L’engagement formel : ce qu’il faut savoir
Un cas vécu est inspiré de décisions disciplinaires, de plaintes reçues au Bureau du syndic de la ChAD ou de questions provenant des professionnels ou des consommateurs. L’objectif : faire en sorte que vous vous interrogiez sur les meilleures pratiques en regard de vos obligations déontologiques.
L’histoire
En 2007, un couple souscrit une assurance habitation tous risques après avoir acquis une auberge pour y exploiter un gîte touristique. Trois ans plus tard, l’assureur dépêche un préventionniste pour inspecter les lieux. Ce dernier exige notamment que des modifications soient apportées à un poêle à bois ancien, dont le scellement de la porte du poêle et l’ajout d’un écriteau interdisant son utilisation. Une fois le dossier considéré complet, l’assureur ferme l’intervention préventive. Le préventionniste écrit la note suivante au dossier : « reçu note de l’assuré mentionnant qu’il est impossible d’ouvrir la chambre à combustion, car il y a une vis. L’assuré s’engage à mettre une note interdisant l’utilisation. Dossier considéré complet. Sorti du suivi. »
En 2014, un violent incendie se déclare à l’auberge, détruisant la bâtisse et son contenu. L’assureur refuse d’indemniser le couple, car il estime que l’incendie résulte d’une faute intentionnelle. De plus, l’assureur considère que le manquement des assurées à leur engagement formel de sécuriser le poêle à bois, sans être la cause du sinistre, a aggravé le risque, suspendant ainsi la garantie. Le couple soutient pour sa part ne pas avoir pris l’engagement formel d’apporter les correctifs exigés par le préventionniste, comme en témoigne l’absence de signature sur le document de l’assureur.
La Cour tranche en faveur de l’assureur[1]. Voyons pourquoi.
La portée de l’engagement formel
L’histoire présentée dans cet article suscite deux questions : l’engagement formel peut-il s’appliquer si l’assuré n’y consent pas par écrit, d’une part, et la garantie peut-elle être suspendue si le non-respect de l’engagement formel n’est pas à l’origine du sinistre, d’autre part?
Rappelons d’abord que l’engagement formel peut être exigé avant la conclusion d’un contrat d’assurance, en cours de contrat ou au moment du renouvellement de la police, notamment à la suite d’une inspection des lieux. À titre d’exemple, il peut s’agir pour l’assuré de s’engager à réaliser des travaux correctifs à sa propriété – pensons à l’ajout d’une main courante à un escalier, au remplacement d’un toit âgé ou d’un appareil de chauffage fonctionnant au mazout et visé par la nouvelle réglementation – ou à mettre en place des moyens de protection des biens dans des délais prévus. Un assureur pourrait par ailleurs exiger qu’un concessionnaire automobile maintienne une surveillance par caméra de lieu extérieur ou qu’une entreprise maintienne son système de gicleurs en bon état.
L’engagement formel peut se présenter sous diverses formes, notamment :
- un document à lire, à signer et à retourner à l’assureur;
- un avenant ajouté au contrat d’assurance;
- un paragraphe à même le contrat d’assurance.
L’engagement formel fait partie intégrante du contrat et, à ce titre, le défaut de s’y conformer dans les délais prescrits pourrait modifier les protections ou même entraîner l’annulation du contrat. Voici ce que stipule à ce propos l’article 2412 du Code civil du Québec : « Les manquements aux engagements formels aggravant le risque suspendent la garantie. La suspension prend fin dès que l’assureur donne son acquiescement ou que l’assuré respecte à nouveau ses engagements. »[2]
Aucune signature requise
Ainsi, concernant la première question soulevée par l’histoire présentée dans cet article, une signature n’est nécessaire que lorsqu’il y a une diminution des protections en cours de terme. En effet, l’article 2405 du Code civil du Québec prévoit que « l’avenant constatant une réduction des engagements de l’assureur ou un accroissement des obligations de l’assuré autre que l’augmentation de la prime n’a d’effet que si le titulaire de la police consent, par écrit, à cette modification ». Ajoutons cependant que l’obtention d’une signature constitue une bonne pratique à adopter.
Engagement formel et cause du sinistre
Quant à savoir si l’engagement formel doit avoir un lien avec la cause du sinistre pour s’appliquer, la réponse est non. En effet, dès qu’un manquement à un engagement formel qui aggrave le risque est observé, la garantie d’assurance est suspendue, comme le rappelle le juge dans sa décision : « Si, à la date du sinistre, l’assuré n’a pas respecté son engagement d’apporter les modifications requises par l’assureur, celui-ci ne sera pas tenu d’honorer le contrat d’assurance. En effet, la suspension de la garante sanctionne de manière automatique la violation de l’engagement formel, sauf clause contractuelle contraire, et sans nécessité d’établir une faute de l’assuré. Enfin, la suspension de la garantie affecte les co-assurés, même s’ils ignorent l’existence d’un engagement formel ou son non-respect. »[3]
Ajoutons que le respect des engagements formels est de la responsabilité de l’assuré. Il revient à ce dernier de mentionner à l’assureur tout élément connu susceptible d’aggraver le risque, comme le fait d’être dans l’incapacité de maintenir les engagements formels.
Pour vous aider à répondre aux questions des assurés, la ChAD a produit un article qui porte sur les conséquences de l’engagement formel. N’hésitez pas à inviter vos assurés à le consulter.
Restez au fait de la jurisprudence
Dans sa décision, le juge a également traité de la notion de faute intentionnelle. Pour en savoir plus à ce sujet et sur les décisions juridiques qui ont marqué 2019, suivez la nouvelle formation Revue annuelle de la jurisprudence 2019 en droit des assurances, disponible sur ÉduChAD. Animée par Jonathan Lacoste-Jobin et Bernard Larocque, associés chez Lavery, de Billy Avocats, cette formation présente des décisions récentes des tribunaux sur divers sujets, dont la fraude par hameçonnage, la subrogation en assurance de copropriété, les exclusions pour actes illicites et l’assurance-crédit.
[1] Miller c. Promutuel Boréal, société mutuelle d’assurances générales, 2019 QCCS 1288.
[2] Article 2412 du Code civil du Québec.
[3] Miller c. Promutuel Boréal, société mutuelle d’assurances générales, 2019 QCCS 1288.