Experts en sinistre : assurez-vous de prendre connaissance des rapports en temps opportun et d’y donner suite
Cette chronique relate une enquête du Bureau du syndic qui a mené au dépôt d’une plainte formelle devant le Comité de discipline. Son objectif : faire en sorte que vous vous interrogiez sur les meilleures pratiques à adopter en regard de vos obligations déontologiques.
Le sinistre
Été 2020. Une assurée voit l’intérieur de sa maison qu’elle loue à plusieurs personnes détruite par les flammes. Son assureur mandate un expert en sinistre indépendant pour traiter la réclamation et faire rapport à deux de ses experts en sinistre.
Des travaux d’urgence s’imposent. Par la suite, des travaux de démolition sont entrepris afin de pouvoir reconstruire la maison.
En décembre 2020, l’assurée apprend que son contrat a été annulé ab initio par son assureur. Cela implique, entre autres, que les travaux d’urgence et de démolition ne seront pas payés par l’assureur. Motif invoqué : lors de la souscription, l’assurée avait déclaré que deux unités étaient louées dans sa maison alors qu’au moment du sinistre il s’est avéré que six chambres étaient louées à des locataires ou à des pensionnaires différents. L’assureur informe donc l’assurée que si cette information lui avait été divulguée, il n’aurait pas proposé ou continué d’offrir une couverture basée sur ses règles de souscription.
Or, cette information a été transmise à l’assureur à la fin juillet 2020 par l’expert en sinistre indépendant. Dans son rapport, l’expert a non seulement conclu à la recevabilité de la perte subie, mais il a aussi indiqué qu’au moment du sinistre, la maison logeait sept personnes, dont six louaient une chambre à l’intérieur de la résidence alors qu’une septième occupait un appartement aménagé au sous-sol. Que s’est-il donc passé entre le dépôt du rapport en juillet et décembre 2020 ?
L’enquête
En vertu d’une plainte déposée à la ChAD, une enquête est ouverte par le Bureau du syndic afin de vérifier si une infraction déontologique a été commise.
Au terme de son enquête, le Bureau du syndic a identifié deux manquements au Code de déontologie des experts en sinistre :
Article 10 : L’expert en sinistre ne doit pas négliger les devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités; il doit s’en acquitter avec intégrité.
Article 58.1 : Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour l’expert en sinistre d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment en exerçant ses activités de façon négligente.
Le Bureau du syndic reproche au premier expert en sinistre à l’emploi de l’assureur d’avoir fait preuve de négligence :
- dans le traitement d’informations concernant la vocation de l’immeuble assuré;
- en prenant connaissance du rapport de l’expert indépendant tardivement.
Il reproche par ailleurs au second expert en sinistre à l’emploi de l’assureur d’avoir fait preuve de négligence :
- en omettant de prendre connaissance du rapport de l’expert indépendant qui contenait des informations essentielles concernant la vocation de l’immeuble assuré.
La décision
Le Comité de discipline conclut que les deux experts en sinistre à l’emploi de l’assureur ont fait défaut de prendre connaissance du rapport de l’expert indépendant alors qu’il était impératif de le faire.
À retenir
Cette histoire met en lumière deux notions clés au cœur d’une pratique professionnelle exercée dans les règles de l’art : la vigilance et l’intégrité.
La vigilance, soit l’absence de négligence, est la marque d’une pratique professionnelle attentive et rigoureuse qui ne néglige aucun élément pouvant entraîner des répercussions dans le traitement d’une réclamation : notes, appels téléphoniques, consultation diligente des rapports et autres pièces versées au dossier du client, rencontres en présentiel ou à distance, résumés. Tout acte professionnel de l’expert en sinistre doit se faire avec sérieux, minutie et précaution.
De son côté, l’intégrité est le signe d’une pratique scrupuleuse qu’on est en droit d’attendre d’un professionnel consciencieux, ce qui sous-entend rigueur et droiture dans l’exercice de ses fonctions. Nul doute que les conséquences déplorables ayant mené à une sanction par le Comité de discipline auraient pu être évitées si les experts avaient été vigilants et consciencieux dans ce dossier, autant en amont qu’en aval. Dans les mêmes circonstances, un expert en sinistre aurait dû, dès la réception du rapport, en prendre connaissance, et y donner suite.
Les bonnes pratiques pour une consultation diligente des rapports
En lien avec la situation décrite dans ce cas vécu, voici quelques bonnes pratiques à garder en tête pour consulter les rapports de façon diligente :
- Prendre connaissance du rapport dans les meilleurs délais, soit dès la réception du document : gardez en tête que plus les délais s’allongent entre le moment où vous recevez un rapport et celui où vous en prenez connaissance, plus les risques peuvent augmenter pour les parties impliquées.
- Lire le rapport de façon consciencieuse : n’oubliez pas de rester attentif à ce que vous lisez. Il peut s’agir de comparer les informations contenues dans le rapport avec celles notées dans le dossier-client. Ou, si des passages du rapport ne sont pas clairs pour vous, il peut aussi s’agir de poser des questions à la personne qui l’a rédigé.
- Donner suite au rapport sans tarder : si vous détectez une information qui a une incidence sur le règlement du sinistre, ne la prenez jamais à la légère. Soyez rigoureux et donnez-y suite rapidement, dans les meilleurs délais, pour éviter tout risque de préjudice.