Taire une information à l’assureur pour obtenir une meilleure prime?
Ce cas vécu s’inspire d’une enquête du Bureau du syndic qui a mené au dépôt d’une plainte formelle devant le Comité de discipline. Son objectif : faire en sorte que vous vous interrogiez sur les meilleures pratiques à adopter en regard de vos obligations déontologiques.
L’histoire
Un propriétaire d’un immeuble à logements reçoit un appel d’un de ses locataires, paniqué : une explosion a eu lieu dans son appartement. Le propriétaire se déplace immédiatement sur les lieux et constate des dommages matériels et corporels. Nerveux, le locataire informe son propriétaire qu’il a tenté de transformer du cannabis en résine. Il promet de tout réparer; le propriétaire est d’avis qu’il ne faut pas alerter la police ni informer l’assureur de cet incident.
Quelques semaines plus tard, le propriétaire reçoit le renouvellement de son contrat d’assurance pour son immeuble à logements. Sa prime a augmenté. Il appelle son courtier et le questionne sur cette hausse de prix en lui demandant si c’est en lien avec l’explosion survenue récemment dans l’appartement de son locataire. Il précise qu’il n’a pourtant rien déclaré à l’assureur.
Le propriétaire demande à son courtier d’obtenir de nouvelles soumissions auprès d’autres assureurs. Le courtier l’informe que le resserrement du marché actuel restreint les options, mais qu’il verra s’il peut dénicher une prime plus avantageuse ailleurs.
À l’approche du renouvellement, le courtier rappelle l’assuré en lui confirmant qu’il n’y a pas eu de réclamation liée à l’explosion. Il lui propose aussi une prime intéressante auprès d’un nouvel assureur. Sachant toutefois qu’il s’agit d’une condition à l’acceptation du risque, le courtier suggère à son client de ne pas divulguer l’explosion. De plus, au cas où l’assureur procéderait à une visite d’inspection, le courtier lui recommande de réparer rapidement les dommages causés afin d’effacer tous les indices susceptibles d’évoquer une trace du sinistre.
L’assuré accepte. Dans la proposition d’assurance, le courtier déclare ainsi faussement que le client a confirmé n’avoir eu aucune perte dans les cinq dernières années.
Quelques mois plus tard, l’immeuble est ravagé par les flammes. Les dommages s’élèvent à plus de 500 000 $. Lors de son enquête, l’assureur découvre les fausses déclarations et décide d’annuler ab initio le contrat d’assurance. Par conséquent, l’assuré est réputé n’avoir jamais eu de contrat et se retrouve sans protection. Le propriétaire entame des poursuites civiles et dépose une plainte contre son courtier à la ChAD.
Le devoir d’informer l’assureur
Le courtier doit en tout temps « donner à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir »[1] , soit recueillir l’information nécessaire pour lui permettre d’évaluer le risque, de déterminer le montant des protections disponibles et le coût de la prime – voire d’accepter ou de refuser ce risque. Il n’incombe pas au courtier de faire le tri d’informations pertinentes à transmettre à l’assureur, chacun ayant des règles de souscription qui lui sont propres.
La proposition d’assurance est d’ailleurs un document de première importance pour divulguer les renseignements liés aux biens à protéger. En déclarant faussement dans ce document que son client n’avait eu aucune perte dans les cinq dernières années et en omettant de déclarer le sinistre, les activités criminelles à l’origine de l’explosion ainsi que les dommages corporels et matériels causés, le courtier influence indûment la décision de l’assureur. Ce comportement contrevient à son code de déontologie :
Le représentant en assurance de dommages ne doit pas abuser de la bonne foi d’un assureur ou user de procédés déloyaux à son endroit.[2]
Le courtier a non seulement tu des faits importants, mais il a transmis des informations inexactes et incomplètes à l’assureur. Il n’agit donc pas avec loyauté, honnêteté et droiture envers l’assureur en faisant des « représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur »[3] . Par ailleurs, même si le client choisit de ne pas réclamer les dommages causés, cela ne relève pas le courtier de son obligation de divulguer les informations nécessaires à l’assureur.
Le devoir d’informer le client
En plus d’inciter l’assuré à faire une fausse déclaration, le courtier n’explique pas au client les conséquences auxquelles il s’expose. Cette négligence dans son rôle-conseil a causé de sérieux préjudices à l’assuré qui s’est retrouvé sans assurance et avec une perte estimée à 500 000 $. Il s’agit d’un manquement à la déontologie d’agir ainsi, notamment[4] :
6o de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles;
7o de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur;
[…]
11o de conseiller ou d’encourager un client à poser un acte qu’il sait être illégal ou frauduleux;
Enfin, lors du premier appel du propriétaire, le courtier aurait dû mettre à jour l’information au dossier de son client avant d’entamer des procédures pour obtenir de nouvelles soumissions. C’est-à-dire, analyser les besoins de l’assuré, valider les protections au contrat, vérifier que celles qui ont été refusées le sont toujours et offrir les protections nouvellement disponibles. L’objectif : s’assurer que les protections au contrat sont toujours celles qui répondent le mieux à ses besoins[5].
1. Article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
2. Article 27 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
3. Article 15 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
4. Articles 37(6), 37(7) et 37(11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
5. Article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
Un peu de pratique?
Vous désirez perfectionner vos compétences? Ce cas vécu a inspiré Et que ça saute!, l’épisode 2 de la série de formations courtes et animées A/T Risques. Cet épisode d’une durée d’environ 15 minutes (0,25 UFC en Conformité) porte notamment sur votre obligation déontologique de divulguer à l’assureur tous les renseignements lui permettant d’évaluer le risque.