Un cas vécu est inspiré de décisions disciplinaires, de plaintes reçues au Bureau du syndic de la ChAD et de questions provenant des professionnels ou des consommateurs. L’objectif : faire en sorte que vous vous interrogiez sur les meilleures pratiques en regard de vos obligations déontologiques.
L’histoire*
Une assurée est propriétaire d’un condo situé au 2e étage d’un immeuble. Elle souscrit un contrat d’assurance Copropriétaire occupant – Formule risque spécifique, qui couvre le contenu du condo, la responsabilité civile et les améliorations, ainsi que les avenants Dommages d’eau – Eau au-dessus du sol, Frais de démolition extérieure et Tremblement de terre.
Un soir, l’assurée rentre chez elle et découvre de l’eau sur le comptoir de la cuisine et les caissons d’armoire. Elle constate que de l’eau souillée a refoulé dans l’évier de la cuisine.
Le lendemain matin, l’assurée avise son courtier et son syndicat de copropriété de l’incident. Un expert en sinistre est dépêché sur les lieux pour prendre la déclaration de l’assurée et lui faire signer le formulaire Consentement relatif à la cueillette et à la communication de renseignements personnels dans le cadre d’une réclamation.
Un plombier est mandaté afin d’évaluer la situation. Ce dernier aurait fiché 15 mètres dans le tuyau de l’évier pour pouvoir le déboucher – soit jusqu’aux conduites d’égout.
La cause du sinistre est déterminée : il s’agit d’un refoulement d’égout. L’expert constate par contre que le comptoir et les caissons d’armoire constituent une amélioration couverte par le contrat de la copropriétaire, mais que ce dernier ne contient pas l’avenant Dommages d’eau – Eau du sol et égouts. Interrogé à ce propos par l’expert en sinistre, le courtier lui confirme que cette protection n’est pas comprise au contrat, estimant qu’il n’était pas pertinent d’offrir un tel avenant pour un logement situé à l’étage.
L’assurée est furieuse d’apprendre que l’assureur nie couverture et qu’elle ne sera pas indemnisée; elle croyait qu’il incombait au courtier en assurance de dommages de la conseiller à ce sujet et de lui proposer les protections correspondant à ses besoins.
* Ce cas vécu est survenu avant le 13 décembre 2018, date à laquelle certaines modifications législatives quant à l’assurance de la copropriété sont entrées en vigueur.
Refoulement d’égout à l’étage : un risque réel?
Bien que rares, les refoulements d’égout peuvent effectivement se produire dans les appareils sanitaires situés aux étages supérieurs. « L’avaloir de toit est lié à la colonne de chute, un tuyau d’évacuation des eaux usées vertical qui traverse les murs des étages de l’immeuble jusqu’aux conduites d’égout, explique Mélissa Cloutier, présidente-directrice générale de Gestion Qualité Drain. Lors d’un refoulement causé par la saturation des conduites du réseau municipal ou d’un débordement causé par l’obstruction d’un tuyau, l’eau souillée peut remonter cette colonne et sortir par un évier ou une toilette. Aussi, advenant un bris de ce tuyau central, l’eau s’infiltrerait dans les murs, causant alors des dégâts importants dans divers appartements de l’immeuble. »
Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Source : Régie du bâtiment, Fiche PL-52 : Évacuation des eaux pluviales, solutions acceptables et mesures différentes pour les bâtiments existants à toit plat, juin 2015.
D’ailleurs, la Régie du bâtiment et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec ont publié une fiche1 à ce sujet précisant que « les problématiques concernant les bâtiments à toit plat ayant au moins un avaloir de toit desservi par une colonne combinée sont fréquentes et majeures. Lors de fortes pluies, l’eau n’est pas évacuée adéquatement par la colonne en raison d’une contre-pression générée par le refoulement des eaux d’égout […]. Les eaux usées remontent ou les eaux pluviales descendent dans la colonne et risquent d’inonder les étages supérieurs par les appareils sanitaires ».
Les agents et les courtiers doivent donc informer leurs clients des risques auxquels ils sont exposés et leur proposer les protections qui s’imposent. Par ailleurs, même si les conséquences liées à ce risque sont moindres pour un locataire, elles n’en demeurent pas moins réelles. Vous devez informer vos clients qu’en cas de refoulement d’égout, leurs biens endommagés ne seront pas protégés. Il en va toutefois autrement pour les copropriétaires, particulièrement avec les récentes modifications législatives.
Copropriété : la protection contre les refoulements d’égout est nécessaire jusqu’au dernier étage!
En copropriété divise, 95 % des réclamations effectuées par les syndicats de copropriété sont liées à l’eau tandis que
60 % des indemnités versées s’y rapportent. La majorité des syndicats souscrivent généralement les avenants à cet égard, mais les copropriétaires situés à l’étage ne se sentent parfois pas concernés par ce genre de risque. Il peut en être de même pour les copropriétaires occupant le rez-de-chaussée, qui ne considèrent pas l’utilité de souscrire l’avenant pour l’infiltration d’eau à travers le toit. Et pourtant, ces avenants sont dorénavant plus que nécessaires!
Depuis le 13 décembre 2018, plusieurs
changements législatifs liés à l’assurance de la copropriété sont en vigueur. Dorénavant, l’assurance du syndicat de copropriété agit en première ligne pour réparer les dommages à un bien dans lequel le syndicat a un intérêt assurable
2. De plus, les sommes assumées par le syndicat pour la réparation d’un dommage doivent être réparties entre l’ensemble des copropriétaires, selon leur quote-part
3, ce qu’on appelle « la répartition ».
Par conséquent, le Bureau d’assurance du Canada (BAC) a modifié ses contrats d’assurance pour les copropriétaires le 15 mars dernier afin d’inclure, notamment, la Garantie complémentaire – répartition4. Cette dernière permet d’être indemnisé « lors d’une répartition visant l’insuffisance ou l’absence d’assurance du syndicat même si leur unité n’est pas endommagée »5. En d’autres termes, la répartition pourrait résulter du coût des réparations qui excèdent le montant souscrit par le syndicat ou qui ne sont pas couvertes par le contrat du syndicat6. Le cas échéant, le copropriétaire peut se faire indemniser le montant de cette charge commune par son contrat d’assurance copropriétaire, si seulement il a souscrit les protections visées. D’ailleurs, le BAC conseille « aux copropriétaires de s’assurer contre tous les risques auxquels ils peuvent être exposés lors d’une répartition par le syndicat. Par exemple, les copropriétaires des étages supérieurs sont exposés à une répartition lors d’un refoulement d’égout, ils doivent avoir cette protection pour que leur assureur les indemnise pour cette répartition »7.
Pour répondre à vos nombreuses questions et vous aider à comprendre les différentes situations pouvant survenir lors d’un sinistre en copropriété divise, le BAC propose
chronique qui fait le point sur l’assurance copropriété ainsi qu’un outil Web intitulé
Le règlement de sinistres en copropriété divise.
Bref, les agents et les courtiers ont un rôle important à jouer pour informer les assurés des risques de refoulement d’égout ou d’infiltration par le toit, et ce, peu importe à quel étage ces derniers habitent. Vous devez poser toutes les questions nécessaires pour connaître l’ensemble des besoins des clients en vue de les conseiller adéquatement8, notamment si ces derniers possèdent un casier de rangement au sous-sol dont le contenu pourrait être affecté par un dégât d’eau. Vous devez ensuite informer vos clients des risques auxquels ils sont exposés ainsi que les protections disponibles9, ce qui comprend les exclusions et les avenants relatifs aux dégâts d’eau. Si un assuré refuse un avenant, il vous incombe de lui expliquer les conséquences d’une telle décision et de tout noter au dossier.
À retenir
L’avenant pour refoulement d’égout n’est pas réservé aux logements situés au rez-de-chaussée; des cas de refoulement sont survenus à des étages supérieurs. Les locataires doivent donc être informés des risques et des protections disponibles afin de prendre une décision éclairée. Quant aux copropriétaires, ils ont intérêt à souscrire les avenants appropriés afin que leur assurance de copropriétaire puisse les indemniser pour tout montant imposé en répartition visant l’insuffisance ou l’absence d’assurance du syndicat, et ce, même si leur unité n’est pas endommagée.
Agents et courtiers, vous devez bien connaître les avenants et les diverses protections disponibles afin de conseiller adéquatement vos clients. Si un assuré refuse un avenant, il vous incombe de lui expliquer les risques et les conséquences d’une telle décision et de tout noter au dossier.
Peaufinez vos connaissances en suivant cette formation sur les dégâts d’eau
1. Régie du bâtiment, Fiche PL-52 : Évacuation des eaux pluviales, solutions acceptables et mesures différentes pour les bâtiments existants à toit plat, juin 2015.
2. Article 1074.3 du Code civil du Québec.
3. Article 1074.2 du Code civil du Québec.
4. La Garantie complémentaire – répartition remplace la Garantie A-3 et n’indemnise pas la quote-part de la franchise du syndicat. Une franchise du copropriétaire s’applique.
5. Bureau d’assurance du Canada, « Le BAC fait le point sur l’assurance copropriété ».
6. En cas d’absence d’assurance du syndicat, le copropriétaire sera indemnisé à 90 % de la répartition jusqu’à concurrence du montant d’assurance pour la garantie.
7. Bureau d’assurance du Canada, « Le BAC fait le point sur l’assurance copropriété ».
8. Article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
9. Article 37(6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.