Lacunes récurrentes de 2023 qui ont mené à une plainte : comment les repérer et les déjouer

En 2023, le Bureau du syndic a ouvert 406 dossiers d’enquête portant principalement sur les motifs de plainte suivant : la négligence, le défaut d’expliquer et d’informer, l’exécution déficiente du mandat, l’attitude et les renseignements personnels.
En moyenne, 10 % des enquêtes donnent lieu au dépôt d’une plainte formelle devant le Comité de discipline de la ChAD.
Mais quels sont les motifs qui incitent les consommateurs à porter plainte contre leur argent, courtier ou expert en sinistre ? Les raisons sont variées : délais de traitement trop longs, explications insuffisantes, manque de communication continue, indemnités insuffisantes, etc.
Les causes expliquant pourquoi les certifiés commettent une erreur déontologique sont multiples : manque de vigilance, d’application ou d’exactitude dans l’accomplissement de ses activités professionnelles, une attitude insouciante, le manque de connaissances, etc.
Pour vous aider à vous interroger sur votre pratique professionnelle et, ultimement, à l’améliorer, voici 5 lacunes à repérer et à déjouer liées aux motifs de plainte les plus fréquents. Chaque histoire est inspirée* d’un dossier d’enquête du Bureau du syndic ayant mené à une mesure administrative.
La maîtrise des meilleures pratiques de l’assurance de dommages est au cœur de la protection du public. Les manquements déontologiques présentés ci-dessous auraient pu être évités. Agents, courtiers et experts en sinistre, votre vigilance, vos conseils avisés et votre imputabilité sont garants de votre valeur ajoutée en tant que professionnel et de la confiance des consommateurs envers l’industrie et ses représentants.
* Tous renseignements pouvant permettre à un assuré ou un certifié d’être identifié ou reconnu ont été retirés ou modifiés dans les histoires. L’objectif de cet article est purement préventif et sert à fournir un accompagnement déontologique dans des situations qui surviennent de façon récurrente dans l’industrie.
1. Négligence
Histoire
Jeanne contacte son agent et lui indique que son ex-conjoint a quitté le domicile familial. Elle demande à l’agent de retirer le nom de son ex-conjoint de son contrat d’assurance habitation.
Lacune
L’agent procède aux instructions de Jeanne sans obtenir le consentement de l’ex-conjoint pour retirer son nom du contrat.
Comment la déjouer
L’agent avait pourtant l’obligation d’entrer en contact avec l’ex-conjoint pour lui demander son consentement et valider les instructions de Jeanne. En tant que professionnel consciencieux, l’agent aurait également dû aborder certains sujets essentiels avec l’ex-conjoint liés à son rôle-conseil. Par exemple, celui-ci possède-t-il sa propre police habitation pour assurer son nouveau domicile depuis son départ de la maison familiale? Le fait d’agir sans consentement pourrait entraîner de fâcheuses conséquences pour l’assuré, dont un découvert d’assurance.
En résumé, rappelez-vous que de telles modifications à un contrat d’assurance impliquant plusieurs assurés nécessitent l’obtention du consentement des co-assurés. En ce sens, un agent ou un courtier doit agir avec soin, vigilance et exactitude en vertu des articles 9 et 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Les bonnes pratiques incluent aussi de fournir les explications relatives aux modifications demandées aux co-assurés ainsi que de bien noter les instructions, les consentements et les informations fournies au dossier-client.
2. Défaut d’expliquer et d’informer
Histoire
Luis indique à son courtier qu’il a besoin d’une assurance pour sa nouvelle maison. En raison de la nature du risque, l’assureur lui propose uniquement une police d’assurance à risques spécifiés. Le courtier mentionne à Luis que le bâtiment sera ainsi couvert pour les risques de base, dont les incendies et le vol. Luis accepte la proposition.
Lacune
Le courtier n’a pas approfondi les particularités d’un contrat à risques spécifiés avec Luis. Ainsi, même si le client est au courant des risques de base pour lesquels il est assuré, il n’a pas nécessairement les connaissances requises pour comprendre automatiquement les limites et les exclusions de sa couverture. Que se passera-t-il, par exemple, en cas de refoulement d’égout, de tremblement de terre ou d’effondrement d’une partie de la toiture en raison du poids de la neige?
Si, malheureusement, un sinistre lié à un risque non couvert survient, Luis pourrait se sentir lésé puisqu’il n’a pas reçu les explications utiles à sa compréhension complète du contrat d’assurance
Comment la déjouer
Le rôle-conseil du représentant est directement lié à son obligation de fournir les explications nécessaires au client pour que celui-ci comprenne ce qu’il souscrit, tel que stipulé à l’article 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
Également si un agent ou un courtier reprend un dossier commencé par un collègue, il ne doit pas prendre pour acquis que le collègue a fourni à l’assuré toutes les informations nécessaires à sa compréhension du contrat d’assurance. La bonne pratique est de valider les renseignements fournis au préalable et, au besoin, compléter les explications.
Dans le cas où un client choisit de son plein gré un contrat à risques spécifiés ou s’il s’agit de la seule option offerte par l’assureur pour assurer son risque, vous devez :
- Expliquer clairement au client les limites et exclusions du contrat ainsi que leurs impacts advenant un sinistre;
- Vous assurer que le client comprend les informations fournies.
- Noter vos explications au dossier-client pour vous protéger en cas de litige.
3. Exécution déficiente du mandat
Histoire
Marta souscrit une assurance pour son commerce de détail. Lors de l’analyse de ses besoins, son courtier lui pose des questions notamment sur le bâtiment abritant le commerce, dont elle est propriétaire. Nombre de mètres carrés, année de construction, rénovations effectuées, historique des sinistres… Tous les sujets y passent. Le courtier entre les informations obtenues dans le logiciel de calcul de l’assureur pour évaluer la valeur de reconstruction du bâtiment. Le logiciel indique 500 000 $.
Le courtier lui demande si elle croit que ce montant convient à titre de montant d’assurance.
Marta répond que cela semble faire du sens, et qu’elle fait confiance au logiciel de l’assureur.
Avant de souscrire, Marta prend un moment pour bien réfléchir. Deux semaines plus tard, elle rappelle son courtier pour lui indiquer qu’elle s’est trompée dans le nombre de mètres carrés du bâtiment, car elle a oublié de calculer un grand espace d’entreposage au sous-sol.
Lacune
Le courtier procède à la correction du nombre de mètres carrés dans la demande de soumission auprès de l’assureur, mais néglige de l’ajuster dans le logiciel de calcul pour revalider le coût de reconstruction du bâtiment. Le coût de reconstruction demeure inchangé dans la soumission alors, qu’en théorie, il aurait dû augmenter en raison de la modification de la superficie du bâtiment.
Résultat : l’assurée se retrouve en situation de sous-assurance advenant un sinistre.
Comment la déjouer
L’assureur détermine les modalités du contrat d’assurance dont la prime d’assurance, avec les informations que vous lui transmettez. Puisque vous êtes le professionnel responsable du dossier du client, vous êtes également responsable de transmettre les renseignements nécessaires à l’appréciation du risque à l’assureur, tel que stipulé à l’article 29 de votre Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.
Par ailleurs, vous devez donner suite aux instructions de votre client et jouer votre rôle-conseil conformément aux articles 26 et 37(6) de votre Code de déontologie.
Dans le cas illustré par cette histoire, le courtier n’a pas traité avec diligence la nouvelle information fournie par Marta. En ne validant pas de nouveau la valeur de reconstruction, le courtier n’a pas transmis une information complète à l’assureur lui permettant d’établir la prime d’assurance, et n’a pas donné adéquatement suite aux instructions de Martha en n’assurant pas son bâtiment à sa juste valeur de reconstruction.
4. Attitude (manque de modération et d’objectivité)
Histoire
Le Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages enquête sur certains actes de Laeticia, experte en sinistre. Le dossier concerne des délais non respectés lors du traitement d’une réclamation. L’enquête stresse beaucoup Laeticia, qui a de la difficulté à contrôler ses émotions.
Lacune
Lors de son entretien téléphonique avec l’enquêteuse assignée au dossier, Laeticia perd son sang-froid, confronte l’enquêteuse sur les questions posées et affirme que cette dernière va « lui gâcher la vie ».
Comment la déjouer
Vous devez, en tout temps, conserver une conduite digne d’un professionnel et empreinte d’objectivité, de discrétion, de modération et de dignité, en vertu de l’article 15 du Code de déontologie des experts en sinistre et de l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Cela vaut aussi lors d’un échange avec quiconque œuvrant au Bureau du syndic. La vérification des faits de la part de l’enquêteur ne peut pas être complète si la communication est difficile en raison de l’attitude inappropriée du certifié.
À retenir : par la nature de leurs fonctions, les enquêteurs sont des professionnels respectueux envers tous les individus avec qui ils communiquent dans le cadre de leur enquête. Leur travail est dicté par la loi : ils vérifient des faits. En cas de questions, l’enquêteur pourra vous fournir des informations quant au processus de traitement d’un dossier d’enquête et vous éclairer sur ce qui est requis de votre part.
5. Renseignements personnels
Histoire
Paul a été victime d’un vol à son domicile. Il déclare la situation à un expert en sinistre œuvrant chez son assureur. L’expert, afin de traiter la réclamation, a besoin de vérifier des informations personnelles de Paul.
L’expert transmet à Paul un formulaire intitulé Consentement à la cueillette et à la communication de renseignements personnels que ce dernier signe, autorisant l’obtention d’une copie du rapport de police, ainsi que les factures ou preuves d’achat auprès de fournisseurs.
Tout ce qui concerne la situation financière de l’assuré, notamment son historique de crédit, n’a pas été « coché » sur ledit formulaire par Paul.
Au cours de l’enquête, l’expert remarque quelques signaux laissant présager une possible fausse réclamation par l’assuré. Il décide d’effectuer des vérifications plus approfondies à cet égard.
Lacune
Pour son enquête, l’expert commande les dossiers de crédit de l’assuré, entre autres afin de vérifier si ce dernier éprouve des difficultés financières. En effet, le cas échéant, il s’agirait d’un mobile potentiel afin de faire une fausse réclamation à l’assureur.
Ayant reçu les dossiers de crédits de l’assuré, l’expert en sinistre procède à leur analyse.
Comment la déjouer
L’expert en sinistre doit obtenir le consentement préalable de l’assuré avant de collecter des renseignements personnels auprès de tiers, comme le stipule l’article 6 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Dans notre cas illustré, l’expert en sinistre a recueilli des renseignements personnels de Paul (historique de crédit) sans son consentement au préalable et sachant que l’assuré n’avait pas coché la case l’y autorisant sur le formulaire.
Le consentement doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques, et il ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. De plus, vous devez agir sans négliger vos devoirs professionnels à l’égard de l’assuré en vertu des articles 10 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre.