Communiquer et faire des affaires par voie électronique : que faut-il savoir?
Un environnement de travail sans papier comporte divers avantages : les gains de temps, de coût, d’efficacité et d’espace sont en tête de liste. Et avec l’adoption massive des technologies numériques par la population québécoise, les communications électroniques s’imposent de plus en plus dans vos activités professionnelles. Vous envisagez de vous tourner vers les documents et les communications électroniques? Rappel des principaux éléments à connaître.
Qu’est-ce qui peut être envoyé électroniquement?
De nombreux cabinets souhaitent passer à un environnement sans papier et se posent cette question : quels documents et quelles informations peut-on traiter par voie électronique? De manière générale, vous pouvez choisir de conserver vos documents en format papier ou en format électronique (courriel, profil ou portail où le client se connecte, etc.). À titre d’exemples, vous pouvez transmettre par courriel :
- une confirmation provisoire d’assurance;
- un contrat d’assurance;
- un avis de renouvellement.
Cependant, la législation impose parfois un support spécifique, tel que le papier, ou précise une forme (ex. par écrit). Ainsi, le Code civil du Québec stipule qu’une diminution des protections en cours de contrat n’est valable que si l’assuré y consent par écrit. De même, la résiliation du contrat d’assurance doit être notifiée par écrit.
À moins d’une telle exigence, vos documents et vos transactions électroniques ont donc la même valeur juridique que leur équivalent papier, pourvu qu’ils respectent les exigences légales (voir « Quelles sont les exigences à respecter? »).
N’oubliez pas en outre que vos obligations déontologiques demeurent, quel que soit le support. Par exemple, si vous choisissez de transmettre un avis de renouvellement par courriel, il devra contenir l’ensemble des informations requises. Il vous revient alors de recueillir personnellement les renseignements nécessaires pour déterminer les besoins du client et lui proposer les produits adéquats.
Utiliser des courriels et des messages textes avec ses clients
Les courriels, comme les messages textes, aussi appelés textos ou SMS, sont pratiques, rapides et personnalisables. À n’en pas douter, vos clients les utilisent : on estime qu’en 2017, près de 207 milliards de courriels ont été envoyés chaque jour dans le monde, en excluant les pourriels. Au Canada, plus de 195 milliards de messages textes ont été échangés en 2015, soit autour de 548 par mois par utilisateur. Pourtant, les courriels et les messages textes peuvent aussi représenter des enjeux en regard de vos obligations légales et déontologiques.
Par exemple, une adresse courriel ne permet pas nécessairement d’identifier le propriétaire du compte. Elle peut en outre être utilisée par plusieurs personnes d’une même entreprise ou d’une même famille. Il peut donc être difficile de déterminer qui sera le destinataire réel de l’envoi. De plus, il se peut que vos clients ne passent pas par une connexion sécurisée pour accéder à leur boîte de courriel.
Dans ce contexte, avant de transmettre des données sensibles par courriel, confirmez l’adresse dont vous comptez vous servir auprès de votre client. Proposez-lui par ailleurs d’utiliser un protocole de chiffrement pour crypter le contenu du message et le rendre illisible sans clé d’activation. Si votre client refuse, informez-le des risques encourus et obtenez son consentement explicite avant de procéder.
Vos obligations en matière de tenue de dossiers et de notes aux dossiers s’appliquent également dans un contexte électronique. Si vous recevez des consignes d’un client par message texte, vous devez pouvoir inclure ledit message à son dossier-client. Assurez-vous qu’une fois joint à son dossier, ce message texte puisse être consulté sur demande et de façon intelligible et qu’il demeure intègre. Si vous n’êtes pas en mesure de le faire, mieux vaut inviter vos clients à vous envoyer un courriel.
Dans certaines situations, pour attester le consentement d’une personne et vérifier son identité, vous devrez lui demander une signature. D’un point de vue légal, une signature peut utiliser un support technologique comme :
- un clic sur une case de type « J’accepte »;
- une signature inscrite au bas d’un formulaire électronique à l’aide du stylet d’une tablette;
- un numéro d’identification personnel;
- un simple nom en bas d’un courriel.
Cependant, dans tous les cas, la signature doit pouvoir attester l’identité du signataire et son consentement.
Par ailleurs, l’écrit, que ce soit dans un courriel ou un message texte, peut donner lieu à des interprétations parfois erronées ou incomplètes, là où une conversation de vive voix permettrait de poser des questions et d’approfondir certaines explications. Au besoin, communiquez par téléphone ou rencontrez votre client en personne pour préciser ses intentions et ses déclarations. Votre devoir de conseil doit demeurer au cœur de votre rôle professionnel, et ce, même dans un environnement sans papier.
Quelles sont les exigences à respecter?
Pour que vos documents électroniques puissent avoir la même valeur juridique que leurs équivalents papier, ils doivent respecter certaines exigences légales quant à l’identité et au consentement des parties ou à l’intégrité, à la disponibilité et à la confidentialité des documents.
Premièrement, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (LCJTI) précise les règles à suivre pour gérer les documents électroniques en préservant leur valeur juridique. Selon la LCJTI, il faut en préserver l’intégrité. En d’autres termes, il faut pouvoir démontrer que le document électronique est complet et qu’il n’a pas été endommagé ou altéré, et ce, tout au long de son existence. Si vous apportez des changements à un document électronique, vous devez documenter cette modification : qui a fait la demande de modification, qui l’apporte, quand et pourquoi la modification a-t-elle été demandée.
De plus, la disponibilité du document doit être garantie. Pour exécuter votre mandat, vous devez en effet pouvoir accéder aux documents contenus au dossier-client. Par ailleurs, une personne dûment habilitée par la loi, comme un membre du Bureau du syndic de la ChAD, doit également y avoir accès sur demande et sous une forme intelligible.
Enfin, en tant que professionnels, vous possédez des renseignements personnels et confidentiels sur vos clients auxquels vous avez accès. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ainsi que les codes de déontologie (représentants en assurances de dommages et experts en sinistre) vous imposent d’assurer la confidentialité de ces informations personnelles. Vous devez donc mettre en place des mesures de sécurité pour protéger ces données sensibles : procédures d’accès, entente de confidentialité, connexion sécurisée, pare-feu, système d’authentification, etc.
Passer aux documents numériques
Le choix des technologies utilisées pour vos documents et communications électroniques doit être guidé par des impératifs de fiabilité, de façon à assurer la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité du contenu à toutes les étapes du cycle de vie d’un document.
Par exemple, lors du transfert des documents d’un support papier à un support numérique, vous devrez probablement numériser les dossiers et documents que vous possédez déjà. Cette solution doit permettre de préserver l’intégrité des documents transférés. Selon la législation en vigueur, il vous faudra donc documenter la démarche de transfert pour pouvoir prouver que vous l’avez réalisée. Cette documentation de référence doit notamment mentionner :
- le format d’origine du document (ex. papier);
- le procédé technologique utilisé (ex. numérisation);
- les caractéristiques de ce procédé (ex. renseignements relatifs au numériseur).
Avant de détruire vos copies papier, vérifiez que toutes les pages du document ont bien été numérisées et que l’ensemble du texte, des images et des annotations manuscrites sont visibles.
Par ailleurs, les cabinets en assurance de dommages ou en expertise en règlement de sinistres ont l’obligation de conserver les dossiers-clients pendant les cinq années qui suivent la dernière transaction ou prestation de services ou la fermeture du dossier. La conservation des documents peut aussi être motivée par des raisons fiscales ou administratives.
Durant toute la période de conservation prescrite, l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité des documents doivent être assurées. Là encore, le choix des technologies est important. Qu’adviendrait-il si la technologie de conservation choisie venait à n’être plus disponible? Rappelez-vous, au milieu des années 80, les fichiers étaient stockés sur des disquettes. Dix ans plus tard, il était question de CD-ROM, puis de DVD. Aussi, quel que soit le support utilisé pour conserver vos documents, assurez-vous de conserver également le matériel et les logiciels nécessaires pour les consulter. Si le support employé a été crypté ou protégé par un mot de passe, il faudra en outre conserver les informations permettant d’accéder aux données qu’il contient.
Aujourd’hui, on parle davantage de sauvegarde dématérialisée avec l’infonuagique, ou stockage dans le nuage. Or, ce système n’est pas à l’abri d’être supplanté à son tour par une autre technologie. De plus, nombre de services de ce type sont la cible d’actes malveillants ou négligents qui pourraient compromettre l’intégrité, la confidentialité ou la disponibilité des documents qui y sont entreposés. Aussi, si vous confiez un document numérique à une entreprise spécialisée pour en assurer la garde, vous devez l’informer de la protection requise en regard de la confidentialité et des droits d’accès. De son côté, l’entreprise doit veiller à mettre en place les moyens nécessaires pour garantir la sécurité, l’intégrité et la confidentialité des données – elle devrait notamment faire des copies de sauvegarde à fréquence régulière.
Veillez à ce que toutes les personnes habilitées à consulter ces documents puissent y avoir accès aisément et qu’elles soient en mesure de les retrouver facilement. Prévoyez une méthode de classement uniforme appliquée par tous les employés du cabinet et, le cas échéant, par le prestataire de conservation de vos documents.
Enfin, lors de la destruction de vos documents numériques, veillez à respecter la confidentialité des données sensibles qui peuvent s’y trouver. Une fois détruits, les documents ne doivent pas pouvoir être restaurés. Faites appel à des spécialistes pour vous accompagner dans la mise en place de moyens et de processus sécuritaires. N’oubliez pas que vous avez également des obligations de confidentialité à l’égard des documents papier; ils doivent être déchiquetés ou confiés à une firme spécialisée.
Glossaire
Conservation : consiste à remiser les documents d’une façon telle que l’on puisse les retrouver ultérieurement, sur demande, et sans qu’ils aient été altérés.
Consultation : il s’agit de rendre disponible à des personnes habilitées un document présenté dans une forme intelligible.
Document électronique : désigne un enregistrement créé, transmis, reçu ou stocké à l’aide d’un moyen électronique.
Signature : désigne un outil représentant une marque personnelle qui est utilisé par une personne pour manifester un consentement.
Transfert : désigne l’opération qui permet de faire passer un document technologique d’un support à un autre.
Transmission : consiste à transmettre un document d’une personne à une autre en faisant appel aux technologies de l’information, sauf lorsqu’une loi ou un règlement l’interdit.
Sources :
- Guide relatif à la gestion des documents électroniques, Fondation du Barreau du Québec
- Rapport consultatif : Signature et distribution électroniques de documents d’assurance, CSIO
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Publié originalement dans la ChADPresse hiver 2017