Une histoire de travailleur autonome à domicile
Histoire
Après plusieurs années comme employée, une consommatrice décide de démarrer sa propre entreprise depuis le confort de son domicile. Elle aménage une partie de son sous-sol pour y travailler et recevoir des clients, si l’occasion devait se présenter, tandis que l’autre partie demeure à usage familial.
La travailleuse autonome communique avec son représentant en assurance de dommages afin de déclarer son activité professionnelle à son domicile. La cliente indique être préoccupée notamment par les sinistres causés par l’inondation ainsi que par toutes pertes financières si un sinistre quelconque provoquait une interruption de ses affaires. Après avoir recueilli toutes les informations, le représentant lui propose soit d’ajouter un avenant à son assurance habitation, soit de se procurer une assurance des entreprises dont les protections répondent mieux à ses besoins, notamment en ce qui concerne les dommages causés par l’inondation.
En raison du coût plus élevé de la prime en assurance des entreprises, la travailleuse autonome choisit de souscrire un avenant à son contrat habitation. Malgré les explications du représentant quant à l’exclusion du risque d’inondation au contrat habitation, la travailleuse autonome maintient sa décision.
Quelques mois plus tard, une inondation endommage le sous-sol de la travailleuse autonome ainsi que le matériel qu’elle utilise dans le cadre de ses activités professionnelles. Elle se retrouve dans l’incapacité de travailler durant quelques semaines. Lorsqu’elle présente une réclamation à son assureur, elle apprend que la perte de revenus causée par l’interruption de ses affaires ne sera pas indemnisée, puisque le dommage résulte d’une inondation, et que ce type de sinistre n’est pas couvert par son contrat d’assurance habitation. La travailleuse ne comprend pas et croit que le représentant n’a pas bien fait son travail. Elle se plaint auprès du Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD).
Les protections offertes
Chez la plupart des assureurs, l’ajout d’un avenant pour les travailleurs autonomes à une police d’assurance habitation offre notamment une couverture d’assurance pour les biens matériels à usage professionnel, les pertes d’exploitation ainsi que la responsabilité civile reliée aux activités professionnelles. Rappelons par ailleurs que le contrat de base en assurance habitation inclut généralement des exclusions, des limitations et conditions particulières liées aux activités professionnelles, tant sur le plan de la responsabilité civile que de l’assurance des biens.
En ce qui concerne les dommages aux biens matériel à usage professionnel, les avenants incluent généralement des protections similaires au contrat habitation de l’assuré. Ainsi, si l’inondation n’est pas couverte par le contrat d’assurance habitation, elle ne le sera pas plus par un avenant pour travail à domicile. Les pertes d’exploitation de la travailleuse autonome ne sont donc pas couvertes dans le cas présent, puisqu’elles découlent d’un risque qui n’était pas couvert au contrat de base. « Cela peut d’ailleurs être une motivation pour choisir l’assurance des entreprises, souligne Nicole Dupont, analyste technique d’assurance chez Promutuel. Une assurance des entreprises propose habituellement un avenant de protection contre les inondations; il faut aussi rappeler que ce type de produit comporte des franchises et une prime plus élevées. »
Le représentant en assurance de dommages doit conseiller à son client la protection la plus adéquate en fonction des besoins évoqués. Si, pour des motifs économiques, le client préfère une formule de base, moins coûteuse, le représentant doit l’informer des risques non couverts par cette protection. « Le client est en droit de refuser la protection que le professionnel lui propose, pourvu qu’il le fasse en toute connaissance de cause. Le professionnel aura toutefois respecté son devoir de conseil ; il ajoutera aussi une note au dossier-client concernant ce refus, à toutes fins ultérieures » précise Me Jannick Desforges, directrice des affaires institutionnelles et de la conformité de la ChAD.
Assurance des particuliers ou des entreprises?
En 2016, plus de 13 % des travailleurs québécois étaient des travailleurs autonomes, allant de propriétaires d’entreprise constituée en société à des contractuels à la pige1. Aussi bien dire que ce groupe n’est pas homogène et que leurs besoins en matière d’assurance varient considérablement selon la nature de leurs activités, voire pour deux travailleurs autonomes dont les activités semblent identiques. « Prenons le cas d’un travailleur à domicile qui vend des vêtements, illustre Mme Dupont. Plusieurs informations peuvent faire varier ses besoins. Est-il un détaillant ou un grossiste dans ce domaine? Fabrique-t-il lesdits vêtements? S’il les fabrique, en quoi consistent ses procédés et quel est l’agencement des lieux? Les emballe-t-il lui-même ou sont-ils emballés ailleurs? Les vend-il principalement au Québec ou une partie de ses affaires se passe-t-elle à l’étranger? S’il participe à des événements, en tire-t-il un revenu et si oui, dans quelles proportions? »
Ainsi, malgré les apparences, les besoins d’assurance pour un travailleur autonome qui vend des vêtements ne seront pas les mêmes selon ses activités, et conséquemment, les produits d’assurance offerts seront différents. Le chiffre d’affaires, le nombre d’employés, la proportion de l’habitation utilisée exclusivement pour les activités professionnelles, ou à l’inverse une activité réalisée principalement en dehors du domicile, ainsi que la nature des activités, sont autant d’éléments qui peuvent faire en sorte que l’avenant pour travailleur à domicile ne soit pas suffisant. « L’analyse doit se faire à la pièce, car chaque situation est différente, précise Mme Dupont. Si nécessaire, il faut alors diriger le client vers une assurance des entreprises pour lui proposer des protections plus spécialisées et plus adéquates ».
L’Autorité des marchés financiers a d’ailleurs déjà rappelé aux professionnels de « faire preuve de prudence dans la distribution de tels produits puisque l’évaluation des risques peut nécessiter une analyse particulière. En effet, les activités de l’assuré dans un tel cas peuvent ressembler davantage à celles d’une petite entreprise, ce qui pourrait dépasser les limites permises par le certificat du représentant.2 » De manière générale, dès que le profil d’un client sort de l’ordinaire ou nécessite du “sur-mesure”, « il vaut mieux lui conseiller de communiquer avec un représentant autorisé à vendre une assurance des entreprises qui pourra lui offrir des conseils et des produits plus adaptés à ses besoins spécifiques » ajoute Mme Dupont.
Il est également raisonnable de rappeler que même si un représentant en assurance de dommages des particuliers peut « offrir des produits et services-conseils portant sur les biens et sur la responsabilité civile de nature domestique d’une personne physique ou d’un travailleur autonome à sa résidence3 », il doit tenir compte des limites de ses aptitudes et connaissances.
À la lumière de ce qui précède, il ne s’agit toutefois pas d’une simple question de certification. Pour conseiller adéquatement un client, les professionnels doivent être en mesure de comprendre les risques et les besoins. Tout professionnel en assurance de dommages qui doute de ses habiletés pour traiter efficacement la demande de son client doit se faire aider par un représentant qui possède les compétences nécessaires, ou à défaut, s’abstenir d’agir4. Ainsi, selon les particularités du dossier du travailleur autonome, le représentant pourrait devoir lui conseiller de consulter un autre représentant, afin qu’il soit bien informé et conseillé5.
1. Statistique Canada. Tableau 282-0011 – Enquête sur la population active (EPA), estimations de l’emploi selon la catégorie de travailleur, le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) et le sexe, non désaisonnalisées, annuel (personnes), CANSIM (base de données).
2. Autorité des marchés financiers, Info-Conformité, Volume 3, no 4.
3. Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, RLRQ c D-9.2, r 7, article 7.
4. Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, article 17.
5. Op. cit., article 18.
Publié originalement dans la ChADPresse automne 2017