L’importance de faire une bonne analyse des besoins
L’histoire
Un représentant reprend le dossier d’une collègue. Le client, un homme de 25 ans, semble être un entrepreneur dans l’âme. Sa mère raconte même à qui veut l’entendre qu’enfant, il s’enrichissait en achetant et en vendant des cartes de hockey. Malgré son jeune âge, le client est propriétaire d’une entreprise de déneigement et possède quelques véhicules liés à ses activités commerciales, dont un camion-remorque, le tout assuré par le représentant.
Le client détient aussi une police d’assurance automobile des particuliers depuis quelques années. Réputé pour sa passion des voitures, il a communiqué à plusieurs reprises avec le précédent représentant au cours de la dernière année pour remplacer le véhicule assuré à son contrat. En janvier, il conduisait une Mercedes-Benz qu’il a ensuite remplacée par d’autres véhicules de luxe – Porsche, Corvette, BMW –, puis finalement par une Cadillac qu’il se fait voler à la résidence de sa mère, avec qui il habite.
Lors de la conversation avec le client à la suite de ce sinistre, le nouveau représentant apprend par hasard que ce dernier utilise le camion-remorque de son entreprise pour transporter des motomarines des États-Unis vers le Canada, en vue de les revendre. Le représentant constate ainsi que l’analyse des besoins faite par sa collègue est très incomplète. Qu’aurait-elle dû faire autrement ?
Poser beaucoup de questions
Pour Kathie Boulet, agent en assurance de dommages chez Promutuel Assurance, un des secrets en assurance de dommages est de poser beaucoup de questions pour faire une bonne analyse des besoins du client. « Chaque situation devra être analysée à la pièce, explique-t-elle. Plus on pose de questions, plus on aura l’heure juste sur les activités du client. Nous ne pouvons courir le risque de passer à côté d’informations essentielles qui pourraient causer un préjudice au client ou faire en sorte qu’il ne soit pas couvert ou qu’il subisse une perte importante. Il faut toujours creuser pour offrir le produit le mieux adapté. »
Mme Boulet attire l’attention sur les activités commerciales mentionnées par le client. Pour bien l’assurer, « il faudrait, par exemple, lui demander le pourcentage que représentent les revenus liés aux activités de déneigement par rapport à son revenu global, précise-t-elle. Il faudrait aussi savoir si les opérations de déneigement concernent des chemins publics ou des propriétés privées, puisque cela a une incidence sur la couverture en responsabilité civile. A-t-il recours à des sous-traitants ? Quel assureur couvre l’équipement ? Qui conduit les machines et quel âge ont les conducteurs ? »
À propos des changements fréquents de véhicule, Mme Boulet ajoute : « Le représentant devrait se demander pourquoi le client change si souvent d’automobile. En fait-il le commerce ? Les vend-il ou fait-il aussi de la réparation ? Ou en fait-il un usage personnel parce qu’il aime vraiment ça ? S’il exerce des activités de nature commerciale, il pourrait peut-être avoir besoin d’une F.P.Q. n° 4 et d’une protection adéquate en responsabilité civile des entreprises afin de couvrir chaque activité en cas de poursuite. D’où l’importance de poser plus de questions et de rester à l’écoute de l’information fournie par le client. »
Être vigilant
Mme Boulet poursuit : « Tout élément qui nous apparaît inhabituel devrait nous inciter à pousser plus avant l’analyse. Le jugement demeure de mise. Si l’on se demande “Est-ce normal ?”, il est possible, en effet, que l’élément en question sorte du cadre de la normalité. »
S’il est vrai que l’assuré a l’obligation de dévoiler toutes les informations susceptibles d’influencer l’assureur sur son appréciation du risque et sur sa décision de l’accepter ou non, le représentant doit en revanche bien comprendre la situation de son client et obtenir les renseignements requis pour lui offrir la meilleure protection possible1.
Faire appel à l’expérience
Malgré tout, il se peut, dans certains cas, que le représentant passe à côté d’un élément important. Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages chez Blais et Campeau, explique : « Dans l’histoire, le client mentionne qu’il possède un camion-remorque pour ses activités de déneigement. Un représentant expérimenté aura probablement le réflexe de se demander à quoi sert ce camion, contrairement à un représentant peu habitué à assurer ce type d’entreprise. Est-ce donc un manque d’expérience de la part du représentant ? Lorsqu’il atteint les limites de ses connaissances ou qu’il doute de ses compétences, le représentant doit consulter un professionnel certifié plus expérimenté que lui sur la question2. Il peut vouloir réaliser de nouveaux mandats pour apprendre, mais l’intérêt du client doit primer. Il vaut mieux vérifier pour s’assurer que le client sera bien protégé. »
Conseiller, expliquer, visiter !
Les représentants en assurance de dommages ont un rôle clé à jouer auprès de leurs clients. En tant que spécialistes en assurance de dommages, ils ont le devoir de conseiller les clients et de leur expliquer le contrat, sa portée, ses exclusions et ses limitations3. « Souvent, les gens croient que parce qu’ils ont une assurance commerciale, toutes leurs activités sont couvertes, indique Mme Boulet. Il est important de les sensibiliser au fait que les activités sont couvertes selon ce qui est déclaré au contrat. La tarification est basée sur ce qui est déclaré. Ce n’est pas nécessairement une question de mauvaise foi, mais plutôt de méconnaissance. »
Mme Leseize ajoute : « Quand on assure une entreprise, il vaut mieux se rendre sur les lieux pour vérifier que le client a bien mentionné tous les éléments à prendre en compte, car ce dernier ne sait pas toujours ce qui important ou non. La visite des lieux est un bon moyen de constater par soi-même ce qui doit être mentionné dans le contrat. »
Quoi faire en cas de refus du client ?
Que se passerait-il si, après avoir discuté avec le client et lui avoir offert les protections adéquates, le représentant essuyait un refus ? « On doit le noter au dossier. Obtenir une signature confirmant que la couverture a été offerte au client et que ce dernier l’a refusée est fortement suggéré. Il est aussi possible, après analyse du dossier, que l’assureur refuse le risque, selon le cas », précise Mme Boulet.
« Il faut également informer le client qu’en tant qu’intermédiaire entre lui et l’assureur, on se doit de mentionner les faits à ce dernier, ajoute Mme Leseize. On doit aussi expliquer au client les conséquences de sa décision, comme le fait que l’assureur pourrait refuser le risque. » Le représentant peut aussi diriger le client pour qu’il trouve un produit adapté à ses besoins. Toutefois, « lorsque le lien de confiance est brisé, il doit aviser le client qu’il ne peut pas poursuivre en lui transmettant une lettre de fin de mandat ». Des modèles sont offerts dans la section « Fin de mandat ».
Le courtier et l’agent sont des spécialistes de l’assurance de dommages. À ce titre, ils comprennent mieux que quiconque les conséquences que pourraient avoir certaines informations sur la protection. Si l’assuré se doit de tout révéler, il revient toutefois aux représentants de prendre les moyens nécessaires pour bien analyser les besoins des clients en posant des questions afin de leur offrir la protection la plus adéquate.
1. Loi sur la distribution de produits et services financiers, article 27 et Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, article 29.
2 Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, article 17.
3 Loi sur la distribution de produits et services financiers, article 28 et Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, article 37(6).
Publié originalement dans la ChADPresse été 2016