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Un expert trop rapide cause tout un émoi

Date de publication : 1 mars 2017 | Dernière mise à jour : 17 avril 2020

L’histoire

À la suite de dommages causés par l’eau à sa résidence, un assuré présente une réclamation à son assureur. Après enquête, l’expert en sinistre appelle l’assuré pour l’informer qu’en raison des circonstances, le sinistre n’est pas couvert puisqu’il s’agirait de dommages graduels. Quelques semaines plus tard, l’assuré reçoit la visite d’un estimateur pour déterminer les autres causes possibles du sinistre ; il croit alors que sa réclamation est recevable. L’expert en sinistre indique par ailleurs à l’assuré que s’il veut obtenir la position de l’assureur par écrit, il doit en faire expressément la demande. L’assuré suit son conseil. Ce n’est finalement qu’au bout de cinq mois que ce dernier reçoit une lettre de l’expert en sinistre niant la recevabilité de la réclamation « pour les raisons expliquées précédemment ». La lettre ne rappelle toutefois pas lesdites raisons et mentionne que « l’assureur se réserve le droit de soulever tout autre motif d’exclusion ou de non-couverture ». L’assuré ne comprend pas les raisons du refus et, mécontent, il porte plainte.

« Trébuche qui court vite1 »

La jurisprudence a démontré que le fait de ne pas invoquer en temps utile un motif pour nier couverture peut équivaloir à une renonciation de la part de l’assureur2. L’expert en sinistre doit donc agir promptement dans le cadre du mandat qui lui est confié3. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille agir avec précipitation. « Avant de rendre une décision, l’expert en sinistre doit suivre à la lettre et une à une les étapes liées à son mandat », explique Carol Bérubé, expert en sinistre, chef d’équipe technique chez IndemniPro. L’expert en sinistre doit veiller à obtenir l’ensemble des renseignements relatifs au sinistre afin de pouvoir établir la recevabilité d’un dommage. Il doit donc recueillir la déclaration de l’assuré, visiter et inspecter les lieux, et prendre des mesures et des photos. « C’est ainsi qu’il peut déterminer, en toute objectivité et impartialité, si le sinistre est couvert ou non » , mentionne M. Bérubé. L’expert doit agir avec transparence en s’assurant que chacune de ses actions est correctement comprise par l’assuré.

Même si la position de l’assureur semble claire dès le départ, M. Bérubé s’interroge : « L’expert a-t-il bien pris le temps d’établir la cause du sinistre ? Ce dernier est en apparence non couvert, les dommages graduels étant exclus. Il faut se demander ce qui a mené l’expert à faire évaluer les dommages après avoir établi que la perte n’était pas recevable. L’assuré est en droit d’avoir des attentes raisonnables ; l’expert doit veiller à éviter toute forme de confusion. » L’assureur doit, à la première occasion, dévoiler tous les motifs d’exclusion sous peine de se voir priver du droit de les invoquer ensuite. Mais en niant la couverture rapidement avant d’avoir en main tous les éléments nécessaires, l’expert en sinistre n’agit pas dans l’intérêt de toutes les parties.

Le problème de la lettre

Pourquoi l’assuré n’a-t-il pas automatiquement reçu de lettre ? « Ce ne sont pas tous les assureurs qui transmettent une confirmation par écrit, précise M. Bérubé. Certains requièrent plutôt une demande expresse des assurés. C’est peu répandu, mais ça existe encore. » De plus, « certaines lettres de négation sont trop courtes et peu explicites. Compte tenu de l’impact d’une négation sur les assurés, l’expert en sinistre doit leur permettre de comprendre son raisonnement en leur expliquant sur quelles exclusions et dispositions du contrat il se fonde. L’exclusion doit pouvoir être appréciée par un assuré dans le contexte propre à sa perte. Il est donc indispensable, dans le cadre de nos activités courantes, de faire un résumé des circonstances en présence afin de démontrer le lien avec le contrat », croit M. Bérubé.

Le niveau d’attention de l’assuré lors d’un sinistre est amoindri par le stress et les émotions qu’il ressent. Dans un tel contexte, l’assuré ne retiendra sans doute pas tout ce qu’on lui dit. C’est pourquoi une lettre niant couverture devrait toujours lui être remise. En rédigeant cette dernière, l’assureur doit prendre le temps d’inclure un résumé des circonstances et de la cause de l’événement ainsi que les clauses d’exclusion et les dispositions prévues au contrat qui ont amené à prendre une telle décision.

Laisser croire à l’assuré que sa perte est recevable

M. Bérubé ajoute par ailleurs que « l’assureur ne peut revenir sur sa décision, à moins que de nouveaux faits lui soient communiqués et qu’il les ignorait lors de la prise de décision initiale. En effet, un assureur ne peut pas invoquer d’exclusions sur des faits qu’il ignore ». Il serait donc judicieux, dans la lettre dont il est question ici, d’ajouter la mention suivante : « L’assureur se réserve le droit de soulever tout autre motif d’exclusion ou de non-couverture qui pourrait se manifester en cours d’enquête et non connu à ce jour. »

En effet, le risque majeur dans cette histoire est probablement celui de la renonciation. « Quand l’estimateur se présente chez l’assuré, alors que l’expert en sinistre lui a déjà dit que sa perte n’était pas couverte, l’assuré est en droit de croire que son sinistre pourrait finalement être couvert et sa réclamation, recevable, souligne Me Jean-François Lamoureux, avocat associé chez Robinson Sheppard Shapiro. Puis, pendant les cinq mois qui suivent, il ne se passe plus rien. L’assuré ne reçoit aucune nouvelle demande et l’assureur ne semble avoir appris aucun fait nouveau. Finalement, l’assuré reçoit une lettre niant couverture “pour les raisons expliquées précédemment”. Nous sommes en présence d’éléments susceptibles de mener à une renonciation. »

Selon lui, dans cette histoire, il est raisonnable de croire que l’assureur avait en main tous les éléments nécessaires pour prendre position au moment où l’expert en sinistre suggérait à l’assuré de demander une lettre de confirmation. « L’assureur qui a reçu toutes les informations relatives à la perte nécessaires pour prendre position a 60 jours pour verser l’indemnité4, rappelle Me Lamoureux. Lorsque des faits nouveaux portés à son attention peuvent avoir un impact sur la réclamation, l’assureur est en droit de vouloir réanalyser le dossier. »

Ainsi, lorsqu’une enquête plus approfondie est nécessaire ou lorsque la question de la couverture n’est pas tranchée, l’expert en sinistre devrait obtenir un formulaire de reconnaissance de réserve signé par l’assuré ou lui remettre un avis de réserve pour l’informer des intentions de l’assureur, tout en lui expliquant le contenu et la portée de ces documents. Ne rien faire peut être interprété comme une renonciation de l’assureur. « L’avis ou la reconnaissance de réserve ne devraient pas être systématiques, mais ils sont tout indiqués dans les dossiers qui semblent problématiques, précise Me Lamoureux. Les juges sont plus hésitants à conclure à une renonciation dans les cas où l’assuré est avisé qu’il peut y avoir des problèmes de couverture. »

​​La ChAD met à votre disposition un modèle d’avis de réserve.​

La valeur ajoutée des experts en sinistre

« En agissant de façon logique et en respectant les étapes à suivre, de manière à avoir en main toute l’information nécessaire pour étudier une demande, nous évitons d’agir trop hâtivement et de perdre notre crédibilité professionnelle auprès du public et des assurés », soutient M. Bérubé.

Il rappelle d’ailleurs qu’il est primordial d’établir la cause d’un sinistre. « Non seulement pour exclure les éléments non couverts, mais également pour aider nos clients, déclare-t-il. Ont-ils des recours, en vice caché par exemple ? Devraient-ils apporter des modifications à leurs installations pour éviter que le sinistre se reproduise ? Même si on ne les indemnise pas, on peut quand même les aider. » Rappelons que 72 % des sinistrés ont confirmé que l’expert en sinistre a rendu leur processus de réclamation simple et rapide en les guidant à travers les étapes de la réclamation5. « L’accompagnement est une valeur ajoutée pour les clients, cela permet d’accroître la confiance qu’ils nous témoignent, conclut M. Bérubé. L’impact est positif sur la crédibilité et la transparence de la profession aux yeux du public. » Bref, tout le monde y gagne.

1. Shakespeare, William. Roméo et Juliette.
2. Gagné, Léonie et Lacoste-Jobin, Jonathan, avocats. « La renonciation au droit de l’assureur de nier couverture », La ChADPresse, vol. 17, no 1, p. 18 et 19.
3. Code de déontologie des experts en sinistre, art. 27.
4. Code civil du Québec, art. 2473.
5. Sondage Perception des Québécois à l’égard de l’industrie de l’assurance de dommages réalisé par Léger pour le compte de la Chambre de l’assurance de dommages en janvier 2016.

Publié originalement dans la ChADPresse printemps 2017