Si, au Québec, la majorité des résidences sont chauffées à l’hydroélectricité, plusieurs maisons sont encore équipées d’un réservoir de mazout. D’ailleurs, le gouvernement interdit progressivement l’installation et la réparation des appareils de chauffage fonctionnant au mazout dans le secteur résidentiel (lire l’article « Nouvelles mesures réglementaires concernant les appareils de chauffage au mazout » pour en savoir davantage). Du transport à l’entreposage, ce type de produit pétrolier est sujet à des déversements qui peuvent causer des dommages importants. Dans de tels cas, les experts en sinistre ont tout intérêt à comprendre les composants des équipements pétroliers ainsi que les normes qui régissent leur fabrication, leur installation, leur maintenance et leur entretien. Cela les aidera à effectuer leur enquête et à déterminer les causes du sinistre.
De plus, étant donné les enjeux liés au règlement d’un sinistre ayant causé des dommages environnementaux, l’expert en sinistre doit tenir compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose avant d’accepter un mandat
1. En d’autres termes, il doit s’assurer qu’il a les compétences nécessaires pour traiter efficacement le dossier. Dans le doute, il doit solliciter l’aide d’experts en sinistre qualifiés. La ChAD a produit une
fiche-conseil à ce sujet.
Qu’est-ce qu’un produit pétrolier?
Les produits pétroliers sont des dérivés utilisables du pétrole brut issus de son raffinage. Les plus connus sont le gaz, le propane et le mazout, des carburants dont on se sert pour le chauffage résidentiel.
Avant leur utilisation, ces produits pétroliers sont entreposés à l’usine, transportés dans des camions-citernes et pompés dans un réservoir intérieur ou extérieur chez le consommateur. Ces diverses étapes comportent des risques que doivent considérer les experts en sinistre lors de l’enquête sur les dommages. « Le fait de connaître les principaux composants des installations pétrolières permet aux experts de mieux comprendre où la défaillance s’est produite, précise Isabelle Murray, métallurgiste et directrice régionale du bureau de Montréal de CEP Forensique, qui offre aussi une formation en ligne sur le bris d’équipements de produits pétroliers. S’agit-il de la jauge, du tuyau de remplissage, de la valve de sortie, du filtre qui sert à capter les éléments solides pouvant se trouver dans l’huile ou encore d’un défaut de fabrication ou d’installation? »
Les types de défaillances les plus fréquentes
Les causes possibles d’un déversement provenant d’un réservoir peuvent être multiples, mais trois types de défaillances sont plus fréquentes : le défaut de fabrication, la faute d’installation et le phénomène de corrosion.
Le défaut de fabrication est rarement visible à l’œil nu. « Une mauvaise composition chimique de base de la feuille de tôle pliée qui constitue le réservoir pourrait entraîner une perforation précoce du matériau », explique Mme Murray avant d’ajouter que la faute de soudage – ou le phénomène de dessoudure – aux trois zones étendues principales de soudage de la tôle pliée est également plausible.
Quant à la faute d’installation, plusieurs éléments peuvent être à l’origine d’une défaillance : un mariage hasardeux de matériaux, comme le cuivre et le laiton; un assemblage incomplet, tel que l’absence de ruban téflon, qui assure l’étanchéité entre le réservoir et l’évent ou la jauge; une pente insuffisante dans le réservoir qui ne permet pas l’évacuation de l’eau et des sédiments vers le filtre; un emplacement inadéquat, par exemple si le réservoir est installé sous une corniche sujette à une accumulation d’eau, de glace et de neige, et donc plus susceptible d’être endommagé.
Le réservoir respecte-t-il les normes?
La fabrication, l’installation, la maintenance et l’entretien d’un réservoir de mazout sont assujettis à diverses réglementations, notamment aux normes de l’Association canadienne de normalisation, ou CSA.
En guise d’exemple, l’installation d’un réservoir doit être effectuée par un professionnel membre de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Ce dernier doit aussi être présent lors de la première livraison de mazout pour s’assurer de l’étanchéité du réservoir, dont l’emplacement et la pente sont également soumis à des exigences réglementaires.
De plus, en vertu des bonnes pratiques de l’Association canadienne de chauffage au mazout, la stabilité d’une nouvelle installation devrait être vérifiée dans les deux premières années pour s’assurer qu’un mouvement potentiel du sol n’a pas modifié la solidité du réservoir. Cette responsabilité relève du propriétaire qui peut choisir de mandater un spécialiste.
Le réservoir doit par ailleurs être soumis à une inspection annuelle dont la responsabilité incombe aussi au propriétaire. Puisque ce dernier n’a habituellement pas l’expertise en la matière, une firme spécialisée est souvent mandatée pour effectuer ce travail d’entretien.
Enfin, depuis mars 2014, la norme CSA B-139 est plus restrictive : le réservoir doit être composé d’une double paroi ou détenir un bassin de rétention d’une capacité égale au réservoir, et ce, dans le but de limiter des dégâts potentiels. |
Enfin, le phénomène de corrosion peut entraîner des dommages catastrophiques, puisqu’il implique une perforation du réservoir et, par conséquent, un déversement potentiel de tout son contenu. « Ce phénomène chimique de dégradation par corrosion tend plus à se produire là où il y a eu un défaut de fabrication, à la jonction de deux métaux différents ou lorsque le réservoir est installé dans un environnement riche en humidité », indique Mme Murray. Voilà quelques pistes de réflexion à considérer lors d’un sinistre.
Quoi faire en cas de sinistre?
Lorsqu’il s’agit de dommages causés par des produits pétroliers, la rapidité d’intervention est essentielle pour éviter à la fois l’aggravation des dégâts sur l’environnement et une augmentation du coût du sinistre. L’expert en sinistre devrait alors effectuer une évaluation préliminaire rapide, prendre les mesures d’urgence adéquates pour minimiser les dommages et entamer sans tarder l’enquête permettant de déterminer la cause des dommages.
De plus, une liste des tierces parties pouvant être impliquées dans le règlement du sinistre devra être établie. « L’expert devrait noter le nom du fabricant et celui des personnes ayant effectué l’installation du réservoir, la livraison de mazout ainsi que l’entretien et la maintenance des équipements. Il veillera aussi à s’informer de la date d’installation du réservoir et de la fréquence des entretiens afin de dresser un portrait de la situation et de vérifier s’il n’y a pas eu de failles dans le parcours », ajoute Mme Murray.
D’autres actions peuvent également contribuer à déterminer l’origine du sinistre. Par exemple, la condition interne du filtre peut donner un aperçu de la condition interne du réservoir et aider à déterminer si la corrosion a gagné le réservoir. Autres pistes : une investigation métallurgique impliquant un essai de pression dans tout le système pour déceler des failles ou une analyse de l’acier pour déterminer si ce dernier respecte les exigences du fabricant.
Par ailleurs, Mme Murray suggère qu’« une expertise sur le réservoir soit demandée le plus rapidement possible ». Bien que la responsabilité de prendre la décision quant à la cause du sinistre en lien avec la recevabilité de la réclamation2 revienne à l’expert en sinistre, ce dernier peut en effet faire appel à diverses expertises pour lui permettre de déterminer la cause du sinistre avant de prendre une décision définitive.
Fait important à noter, si le réservoir de mazout doit être déplacé, l’expert a intérêt à documenter l’installation au préalable, prévient Mme Murray. « Il faut mesurer la pente du réservoir, analyser les jonctions et les zones d’assemblage du contenant, confirmer l’étanchéité des raccords ainsi que vérifier si les dégagements répondaient aux exigences des normes applicables », illustre-t-elle en précisant que le déplacement, l’entreposage ou le changement d’environnement du réservoir peut modifier ou altérer les preuves qui mèneraient à déterminer les causes du déversement.
Enfin, l’expert doit documenter les discussions, les échanges et les décisions en vue de produire un compte rendu complet retraçant le fil des événements. Une foule d’informations peuvent être communiquées par divers intervenants, d’où l’importance de prendre des notes détaillées dans ses dossiers.
2.La ChAD a produit l’outil Tableau de partage des rôles et responsabilités en expertise en règlement de sinistres. Cet outil précise les actes exclusivement réservés aux experts en sinistre et ceux qui peuvent être exécutés par des fournisseurs de services, des spécialistes ou des employés au téléphone autorisés à régler des sinistres en vertu de la Directive de l’Autorité des marchés financiers.