Collaborer: une obligation toujours d’actualité
Le Comité de discipline de la ChAD est appelé à l’occasion à statuer sur des infractions d’entrave visant les membres, et ce, malgré les dispositions législatives claires en la matière.
Ainsi, en 2009 et en 2010, le comité a rappelé que lorsqu’il enquête, le syndic jouit de pouvoirs semblables à ceux dévolus aux corps policiers. Et ces pouvoirs s’étendent même aux tiers.
Plus précisément, le 10 février 2010, le Comité de discipline de la ChAD a déclaré deux experts en sinistre coupables d’avoir entravé le travail du syndic1. Voyons pourquoi.
Un exemple probant
En janvier 2009, le syndic demande aux experts en sinistre de lui fournir certains documents et renseignements relatifs à leur conduite dans un dossier. Croyant que le syndic s’adonnait à une « partie de pêche » sans fondement, les experts en sinistre mandatent un avocat pour les représenter. Résultat : en six mois, ils ont entravé à cinq reprises le travail d’enquête du syndic, allant ainsi à l’encontre du Code de déontologie des experts en sinistre.
En défense, les experts en sinistre ont allégué, pour justifier leur refus de fournir les renseignements demandés, que le syndic s’acharnait contre eux et qu’il abusait de son pouvoir. Mais le Comité de discipline a rejeté ces motifs.
« Ce jugement rappelle que lorsque le syndic demande une information ou un document, le professionnel n’a pas le choix de les fournir, explique Me Claude G. Leduc. Il n’appartient pas aux professionnels ni au Comité de discipline de juger de la méthode à suivre du syndic : celui-ci a des pouvoirs d’enquête semblables à ceux des policiers. » Et croire à une « partie de pêche », c’est mal comprendre le rôle du syndic, selon lui. « Le syndic ne va pas à la pêche sans information, souligne Me Leduc. Dès qu’il reçoit une information pouvant provenir d’un assuré, d’un collègue, d’un média ou même d’une source anonyme, il a le pouvoir d’enquêter. » Et refuser de collaborer avec le syndic n’est pas la meilleure chose à faire.
Me Leduc ajoute que si l’on a un doute, on peut demander des informations supplémentaires ou des éclaircissements au syndic – par courrier ou même par téléphone. Et au besoin, le syndic peut donner au professionnel plus de temps pour répondre à ses demandes lorsqu’il perçoit que ce dernier est de bonne foi. Mais selon lui, le syndic est en droit de ne plus accorder de délais additionnels aux professionnels qui en ont déjà bénéficié, comme ce fut le cas dans cette cause. « Au bout du compte, brimer le pouvoir d’enquêter du syndic, c’est aussi brimer la protection du public », juge-t-il2.
Depuis, le Comité de discipline de la ChAD a réitéré ces principes à plus d’une reprise. Dans une affaire entendue le 23 octobre 20133, l’intimé a été déclaré coupable d’entrave suivant l’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages pour avoir fait défaut de donner suite à une convocation du syndic. Il a été condamné à une radiation temporaire d’un an sur ce chef d’infraction.
Dans une autre décision rendue le 27 mai 20144, les intimés ont respectivement été déclarés coupables d’avoir contrevenu aux articles 34 et 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages en faisant défaut de répondre aux demandes de renseignements formulées par le syndic. Ils ont été condamnés à une amende de 2 000 $ sur ce chef.
Dans une décision rendue le 7 juillet 20145, le Comité de discipline de la ChAD a passé en revue la jurisprudence pertinente en matière de pouvoirs d’enquête du syndic et d’obligation du professionnel et du tiers de collaborer à l’enquête. En l’espèce, considérant la durée des infractions d’entrave, la mise en péril de la protection du public et son refus systématique de répondre aux demandes du syndic adjoint, l’intimé a été condamné à une amende de 3 000 $ et à une radiation temporaire de 30 jours6.
Le 24 septembre 20147, le Comité de discipline de la ChAD a déclaré l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 56 du Code de déontologie des experts en sinistre pour avoir fait preuve de réticence à fournir les informations demandées par le syndic. Cette condamnation a donné lieu à une amende de 3 000 $.
On comprend de ces décisions que l’entrave aux travaux d’enquête du syndic peut prendre toutes sortes de formes, allant de la réticence au refus non équivoque de répondre en passant par le défaut de se présenter à une rencontre. Quant aux sanctions imposées, elles vont de l’amende minimale de 2 000 $ à une radiation temporaire.
Une obligation qui touche même les tiers
Le 17 décembre 20098, le Comité de discipline de la ChAD a rappelé que le pouvoir d’enquête du syndic s’étend aussi aux tiers qu’il interpelle.
Dans cette affaire, un syndic de faillite refusait au syndic l’accès à des documents concernant un courtier « à moins de n’y être contraint par ordonnance ». En fait, le syndic de faillite se demandait s’il pouvait donner au syndic l’accès à l’information demandée sans contrevenir aux lois sur la protection des renseignements personnels. L’ordonnance émise par le Comité de discipline est toutefois claire : la fonction première du syndic est d’enquêter et ses pouvoirs d’enquête lui permettent d’obtenir de quiconque – même d’un tiers – l’information nécessaire à ses activités, et ce, sans même devoir obtenir un mandat de perquisition.
Le fondement de cette décision est conforme à l’enseignement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pharmascience c. Binet, 2006 CSC 48, suivant lequel non seulement les professionnels mais aussi les tiers se doivent de collaborer à l’enquête du syndic, sous peine de sanction.
En conclusion, refuser de collaborer avec le syndic n’est pas la meilleure chose à faire.
Rappel des dispositions réglementaires et déontologiques pertinentes Loi sur la distribution de produitset services financiers Code de déontologie des représentantsen assurance de dommages Code de déontologie des experts en sinistre |
Article rédigé par Me Marie-Josée Belhumeur, LL.B., syndic
1 Chambre de l’assurance de dommages c. Benoît Mayer et Michel Guertin, 2009 CanLII 73927 (QC CDCHAD).
2 Les commentaires sur ces décisions ont été publiés une première fois dans La ChADPresse, mars-avril 2010, vol. 11, no 2.
3 Chambre de l’assurance de dommages c Pierre Vézina, 2014 CanLII 4584 (QC CDCHAD).
4 Chambre de l’assurance de dommages c. Marc Belzile et Marie-Claude Belzile, 2014 CanLII 30258 (QC CDCHAD).
5 Chambre de l’assurance de dommages c. Marc Gignac, 2014 CanLII 41706 (QC CDCHAD).
6 Chambre de l’assurance de dommages c. Marc Gignac, 2014 CanLII 76158 (QC CDCHAD).
7 Chambre de l’assurance de dommages c. Brigitte Bisaillon, 2014 CanLII 62657 (QC CDCHAD).
8 Chambre de l’assurance de dommages c. Pierre Fecteau et Jean Gagnon, 2009 CanLII 72969 (QC CDCHAD).