Démarchage par un non certifié : le TMF rappelle vos obligations
Ce résumé ne constitue pas un avis juridique. L’information qui s’y trouve peut ne pas refléter l’état du droit actuel.
Quatre récentes décisions du Tribunal administratif des marchés financiers1 (TMF) liées à une campagne de vente de produits d’assurance par télémarketing viennent rappeler les obligations des représentants certifiés quant aux actes qui leur sont réservés, à leur devoir de conseil et aux règles de représentations auprès de leurs clients. Retour sur les manquements commis par des représentants en assurance2 et constatés par le TMF.
Les faits
Un assureur a mandaté une entreprise offrant des services de centres d’appels pour faire du démarchage auprès de sa clientèle et offrir certains de ses produits d’assurance. Les représentants certifiés étaient à l’emploi de l’entreprise de télémarketing et étaient inscrits à titre de représentants autonomes auprès de l’Autorité des marchés financiers (Autorité).
Le processus de vente était initié par un agent de télémarketing non certifié qui communiquait avec les clients de l’assureur afin de leur proposer un produit d’assurance. Ses tâches consistaient à décrire le produit et les différentes protections disponibles selon un texte fourni par l’assureur. Lorsque le client manifestait un intérêt, l’agent de télémarketing recueillait les renseignements personnels du client, l’informait de la prime afférente à la couverture choisie et transférait l’appel à un représentant certifié pour finaliser l’achat.
À ce moment, le représentant avait pour mandat de vérifier l’information obtenue et, toujours en lisant un texte préparé par l’assureur, d’énumérer au client les exclusions prévues au contrat d’assurance avant de conclure la transaction.
Actes réservés aux certifiés
Parmi les manquements reprochés aux représentants, le TMF note que ceux-ci reconnaissent avoir participé à une pratique illégale, et ce, dans ces termes :
« Avoir participé à la vente de produits d’assurance offerts par des personnes non certifiées à cette fin en se limitant à valider les informations personnelles du consommateur et le choix de couverture effectué par celui-ci, après qu’un agent de télémarketing ait décrit le produit au consommateur, ait réfuté ses objections et lui ait donné des conseils en assurance. »3
Il est attendu d’un professionnel formé et encadré qu’il assume pleinement son rôle et ses obligations et qu’il s’abstienne de cautionner une forme de pratique illégale. Les représentants auraient dû savoir que l’agent de télémarketing qui initiait la méthode de distribution de produits s’aventurait au-delà de ce qui est permis en effectuant des actes qui sont réservés aux certifiés, notamment en décrivant le produit, en répondant aux questions du client et en prodiguant des conseils en assurance.
Rappelons que la description d’un produit d’assurance est un acte interdit aux personnes non certifiées, sauf dans le cadre exceptionnel de démarchage. Dans ce cas, l’agent de télémarketing peut décrire les caractéristiques principales du produit d’assurance, mais il doit ensuite transférer la communication au représentant dûment certifié afin qu’il procède à l’analyse des besoins, à l’offre du produit qui y répond et à la description détaillée des protections en regard des besoins identifiés.
Par ailleurs, l’Autorité émet une mise en garde importante à cet effet dans un Avis sur la collecte de renseignements et le conseil en assurance : « La mise en place de modèles où une personne non certifiée décrit les caractéristiques principales d’un produit comporte un risque élevé que la personne non certifiée pose un geste qui va au-delà des activités pouvant être effectuées par une personne non certifiée. Cette personne doit référer le client à un représentant, par exemple, dès qu’une question du client pourrait l’amener à poser un tel geste. » À la lumière de cet avis, la ChAD a produit un tableau récapitulant des actes qui sont réservés aux agents et aux courtiers.
Le saviez-vous?
En droit disciplinaire, la théorie de l’alter ego « permet d’imputer la responsabilité au professionnel pour les actes qu’il délègue à des tiers »4. Cette notion fût élaborée dans une décision disciplinaire laquelle précise que « le professionnel, qui délègue à un employé un acte qui lui est réservé, répond en discipline de la faute de son employé5 ».
Devoir de conseil
Le fait que les représentants s’en tiennent à un scénario préparé par l’assureur contrevient également à leur obligation de conseil. Le TMF a conclu qu’ils ont fait défaut de respecter leurs responsabilités à cet égard, particulièrement en :
- « Ne s’enquérant pas de la situation de leurs clients afin d’identifier leurs besoins en assurance ;
- Ne les conseillant pas adéquatement et en ne leur offrant pas un produit qui convient à leurs besoins seulement lorsque c’était possible de le faire ;
- N’indiquant pas à leurs clients les exclusions de garanties particulières compte tenu de leurs besoins. »6
Le devoir de conseil du professionnel est crucial et nécessaire à la protection du public. Il doit en tout temps – même s’il s’agit d’une communication transférée à la suite d’un appel de démarchage réalisé par un non certifié – « s’enquérir de la situation de son client afin d’identifier ses besoins. Il doit s’assurer de conseiller adéquatement son client, dans les matières relevant des disciplines dans lesquelles il est autorisé à agir ; s’il lui est possible de le faire, il offre à son client un produit qui convient à ses besoins. »7
Dans un deuxième temps, si le client souscrit un contrat et avant la conclusion de celui-ci, le représentant certifié doit « décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte. Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions » 8.
D’autre part, un représentant qui se limite à lire un texte préparé par l’assureur ou qui applique une consigne qui va à l’encontre de ses obligations légales et déontologiques déroge à son indépendance professionnelle. À plusieurs reprises, les tribunaux ont rappelé ce principe fondamental à la pratique des certifiés :
« En tant que professionnel, l’intimé avait des obligations déontologiques qui allaient au-delà des directives qu’elle pouvait recevoir de son employeur. Il y a lieu de rappeler qu’un courtier en assurance de dommages [représentant certifié] doit sauvegarder, en tout temps, son indépendance professionnelle et respecter la lettre et l’esprit de son code de déontologie, lequel est d’ordre public. »9
Représentations auprès des clients
Le TMF a également sanctionné différents manquements relatifs aux règles de représentations et au droit d’exercice commis par les professionnels.
D’abord, en suivant le texte préparé par l’assureur, les représentants certifiés ont fait défaut de se présenter conformément à leurs obligations, soit de préciser le cabinet auquel ils sont rattachés ou mentionner qu’ils agissent comme « représentant autonome » et de préciser aux clients la discipline dans laquelle ils sont autorisés à agir.
De plus, lors d’une première rencontre avec un client, qu’elle soit en personne10 , par téléphone ou via une plateforme numérique11, le professionnel doit s’identifier afin que le client connaisse les éléments suivants :
- Son nom;
- Sa principale adresse d’affaires, numéro de téléphone d’affaires et, le cas échéant, adresse électronique;
- Le nom du cabinet pour le compte duquel il exerce ses activités ou la mention « représentant autonome »;
- Les titres qu’il est autorisé à utiliser pour le compte du cabinet pour lequel il agit ou comme représentant autonome.
Il importe de rappeler que « les représentations servent à fournir de l’information véridique et objective sur votre pratique professionnelle. Vos représentations permettent au client que vous rencontrez d’avoir toute l’information nécessaire pour vous identifier, connaître votre champ d’expertise et vous rejoindre facilement », stipule le Guide sur les représentations de l’Autorité.
Le TMF a également reproché à certains représentants certifiés d’avoir participé à la vente de produit alors qu’ils étaient rattachés à un cabinet qui ne participait pas à la campagne de télémarketing de l’assureur et qui n’avait donc pas d’entente de distribution avec celui-ci. « Un représentant ne peut exercer ses activités que s’il agit pour le compte d’un cabinet [ou] s’il est inscrit comme représentant autonome […] », précise la loi12. D’autre part, si un représentant est rattaché à plusieurs cabinets, il doit, lors de la première rencontre, indiquer au client pour le compte duquel il agit.
Enfin, quelques représentants ont aussi été sanctionnés pour avoir, à certains moments, participé à l’émission de certificats d’assurance alors qu’ils ne détenaient aucun certificat valide en assurance ou alors qu’ils n’étaient rattachés à aucun cabinet d’assurance ni inscrits à titre de représentants autonomes : « Nul ne peut agir comme représentant ni se présenter comme tel, à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité »13.
Les sanctions
Les manquements commis par les représentants ont été sanctionnés selon des recommandations communes consignées dans des accords entre les parties.
Des pénalités administratives variant entre 2 000 $ et 5 000 $ ont été imposées à chacun des représentants14. Quant à leur certificat de représentant en assurance, celui-ci a été assorti de la mention suivante : « Le/La représentant(e) doit être rattaché(e) à un cabinet dont il/elle n’est pas le/la dirigeant(e) responsable ni l’administrateur, et ce, pour une période de deux ans à compter de la présente décision ».15 En conséquence, ceux qui étaient encore inscrits à titre de représentants autonomes ont également vu leur inscription radiée pour une période de deux ans. À l’expiration de ce délai, s’ils souhaitent se réinscrire comme représentant autonome, ils devront suivre à nouveau le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et réussir l’examen afférent.
Le TMF a d’ailleurs souligné que les représentants autonomes « doivent faire preuve d’un degré supérieur de diligence, de professionnalisme et d’habileté, puisqu’ils ne sont pas rattachés à un cabinet et qu’ils sont responsables de veiller eux-mêmes à la conformité de leurs activités »16.
L’objectif des sanctions vise à dissuader les représentants de commettre à nouveau les comportements reprochés et à les outiller pour qu’ils veillent à adopter une pratique professionnelle adéquate.
Dans une approche de nature protectrice et préventive, les sanctions visent également à donner l’exemple pour éviter que d’autres représentants dans l’industrie agissent de la sorte ; cet article s’inscrit notamment dans cette approche.
[1] Autorité des marchés financiers c. Coulibaly (décision no 2020-004-005), Autorité des marchés financiers c. Yuen (décision no 2020-004-001), Autorité des marchés financiers c. Cherif-Ouazani (décision no 2020-004-002) et Autorité des marchés financiers c. Hema (décision no 2020-004-004).
[2] Cette décision concerne des représentants distribuant des produits en assurance de personnes. Les manquements reprochés se transposent toutefois aux obligations des représentants distribuant des produits en assurance de dommages.
[3] Autorité des marchés financiers c. Coulibaly (décision no 2020-004-005).
[4] Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922.
[6] Autorité des marchés financiers c. Coulibaly, (décision no 2020-004-005).
[7] Article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[8] Article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[9] Chambre de l’assurance de dommages c. Légaré, 2010-04-02(C).
[10] Article 10 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.
[11] Article 12 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.
[12] Article 14 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[13] Article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[14] Article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[15] Article 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[16] Autorité des marchés financiers c. Coulibaly, (décision no 2020-004-005).