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Une cueillette d’information approfondie peut porter ses fruits

Date de publication : 1 décembre 2016 | Dernière mise à jour : 17 avril 2020

​Une décision récente rendue par la Cour supérieure qui revient sur les principes de base applicables à la nullité ab initio d’une police d’assurance permet de réitérer le rôle crucial de l’expert en sinistre.

 

La nullité ab initio

Le contrat d’assurance requiert la plus haute bonne foi des parties. En effet, l’évaluation du risque par l’assureur nécessite que l’assuré divulgue toutes les circonstances connues de lui pouvant influencer l’évaluation de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter1. Il s’agit d’une obligation positive de l’assuré. Autrement dit, l’assuré doit, même en l’absence de question, déclarer toute information susceptible d’influencer l’assureur dans son acceptation du risque ou l’établissement de la prime d’assurance ; il doit agir comme un assuré normalement prévoyant en pareil cas2.

Dans certains cas, un manquement à cette obligation de divulgation de l’assuré peut entraîner la nullité ab initio de la police d’assurance à la demande de l’assureur, et donc de graves conséquences pour l’assuré3.

Cette sanction civile sera imposée par le tribunal si les éléments suivants sont prouvés par l’assureur : 

  • il y a eu omissions et/ou réticences de l’assuré ​; 
  • l’assureur n’aurait pas émis la police d’assurance, n’eussent été lesdites omissions et/ou réticences de l’assuré ; 
  • un assureur raisonnable placé dans les mêmes circonstances aurait lui aussi refusé d’assurer le risque4.

Afin de se décharger de son lourd fardeau, l’assureur devra démontrer un « lien de connexité entre la circonstance en cause et le risque pris en charge »5.

Si l’assureur remplit son fardeau, il reviendra alors à l’assuré de démontrer qu’il a agi comme un « assuré normalement prévoyant »6.

 

Laporte c. Intact, compagnie d’assurances7

Cette décision fait suite à un incendie qui a ravagé la résidence de l’assuré d’Intact, Jimmy Laporte (ci-après « l’assuré »). N’ont subsisté à l’incendie que la fondation de la résidence et une portion du garage, les dommages causés par le feu étant évalués à 359 651 $. À la suite de son enquête, Intact (ci-après « l’assureur ») a refusé d’indemniser l’assuré.

D’une part, l’assureur invoque la faute intentionnelle de l’assuré en soutenant que ce dernier est impliqué dans l’incendie de nature criminelle. D’autre part, il soutient que la police d’assurance est nulle et invoque plusieurs éléments, notamment :

1) le fait que l’assuré conservait du cannabis à sa résidence à des fins de trafic ​; 

​2) les liens qu’entretient l’assuré avec le crime organisé, son père ayant un passé criminel ; 

3) les faux documents soumis par l’assuré à son créancier hypothécaire pour obtenir un prêt hypothécaire.

L’assureur affirme qu’il aurait refusé d’assumer le risque si ces derniers éléments avaient été portés à sa connaissance, et que sa décision d’annuler ab initio la police d’assurance est fondée.

Quant à l’argument de l’assureur basé sur la faute intentionnelle de l’assuré, le tribunal conclut que l’incendie est bel et bien de nature criminelle, puisque le chef des pompiers indique que le feu s’est propagé rapidement en raison de la présence d’accélérant sur les lieux. Une fusée routière a également été trouvée dans la résidence. Cependant, bien que plusieurs éléments troublants reliés à l’entourage de l’assuré aient été relevés lors de l’enquête post-sinistre et de l’audition de la cause au fond, le tribunal conclut que l’assureur n’a pas démontré que l’assuré est lié à cet incendie, faute de preuve concluante.

Sur la nullité ab initio du contrat d’assurance, le risque « moral » lié aux allégations de trafic de cannabis n’est pas retenu par le tribunal comme étant un motif valide pour conclure à la nullité de la police. En effet, le cannabis a été trouvé à l’extérieur de la résidence de l’assuré et ce dernier a été acquitté des accusations de trafic de drogue. Les faits mis en preuve ne permettaient donc pas de démontrer que l’assuré a commis un acte criminel.

Quant aux antécédents criminels du père de l’assuré, le tribunal juge que le passé du père ne peut être imputé à l’assuré. Ce motif n’est donc pas retenu par le tribunal pour conclure à la nullité de la police.

Reste donc l’argument de l’assureur relatif aux documents soumis au soutien de la demande de prêt hypothécaire de l’assuré. À cet égard, la preuve révèle que de faux documents ont été fournis au prêteur, notamment une attestation d’emploi. Cette information a été recueillie par l’expert en sinistre après l’incendie.

Pour sa défense, l’assuré atteste que ces documents n’ont pas été remplis ou signés par lui-même. Il admet cependant que l’attestation d’emploi qu’il a fourni au soutien de cette demande de financement était fausse.

Le tribunal est d’avis que les documents sont des faux et que l’assuré devait avoir connaissance de leur contenu. La Cour supérieure conclut que l’obtention d’un prêt hypothécaire au moyen de fausses prétentions contenues dans de faux documents est un élément pertinent qui peut influencer la décision de l’assureur d’assumer le risque.

Finalement, le tribunal indique que le fait que l’assuré a soumis de faux documents au soutien de sa demande de prêt hypothécaire est un motif valable pour conclure à la nullité ab initio du contrat d’assurance.

 

La cueillette d’information et le rôle de l’expert en sinistre

Au moment de la souscription, l’assureur ne procédera pas nécessairement à une enquête approfondie sur l’assuré, s’en remettant essentiellement à la bonne foi de ce dernier.

Cela dit, la décision Laporte c. Intact, compagnie d’assurances témoigne du fait que certaines informations obtenues en dehors du processus standard de souscription peuvent être pertinentes, eu égard à l’analyse du risque. De même, nous constatons l’importance de l’enquête de l’expert en sinistre. Celle-ci peut en effet révéler des informations pertinentes qui auraient pu influencer l’appréciation du risque de l’assureur. Les éléments de preuve obtenus par l’expert en sinistre peuvent être invoqués validement au soutien d’une demande de nullité ab initio d’un contrat d’assurance, le cas échéant. Il est donc opportun de réitérer le rôle crucial que l’expert en sinistre peut jouer à cet égard.

 

Conclusion

Un lourd fardeau repose sur l’assureur qui désire invoquer la nullité ab initio d’un contrat d’assurance. L’assureur doit en effet démontrer que les réticences ou les fausses déclarations de l’assuré pouvaient influencer l’acceptation du risque.

Lors de son enquête, l’expert en sinistre peut obtenir des informations qui témoignent de réticences ou d’omissions de l’assuré qui auraient pu influencer l’appréciation du risque d’un assureur raisonnable placé dans les mêmes circonstances. Ces éléments clés peuvent justifier la nullité ab initio de la police d’assurance. La décision Laporte c. Intact, compagnie d’assurances démontre qu’une enquête approfondie de l’expert en sinistre est parfois nécessaire et utile pour obtenir suffisamment d’information en vue d’invoquer un tel argument.

1. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 2408. (« C.c.Q. »).
2. C.c.Q., art. 2409.
3. C.c.Q., art. 2410.
4. Voir entre autres Dubois c. Compagnie mutuelle d’assurances Wawanesa, 2015 QCCS 3238.
5. Compagnie mutuelle d’assurances Wawanesa c. GMAC Location ltée, 2005 QCCA 197, par. 28 ; H. & M. Diamond Ass. inc. c. Optimun assurance générale agricole inc., [1999] R.R.A. 828 (QCCA), p. 4.
6. C.c.Q., art. 2409.
7. Laporte c. Intact, compagnie d’assurances (Axa Assurances inc.), 2016 QCCS 3922 (Déclaration d’appel 2016-09-21 [QCCA] 500-09-026347-161).

Publié originalement dans la ChADPresse hiver 2016