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La voiture autonome au Québec

Date de publication : 1 décembre 2018 | Dernière mise à jour : 19 avril 2020

À peine 130 ans après l’invention de la première automobile, la voiture autonome promet d’accroître non seulement la liberté des conducteurs, mais aussi la sécurité sur les routes. Or, cela n’est pas sans créer de nouveaux risques pour l’industrie de l’assurance de dommages. 

 
Depuis déjà quelques années, plusieurs projets pilotes de voiture autonome sillonnent les rues aux États-Unis, notamment en Californie et au Texas, en France et en Finlande. Le but : en tester les failles ainsi que l’éventuelle cohabitation entre les véhicules semi-autonomes et ceux sans conducteur. 
 
La technologie évolue et se peaufine. Le cyber-risque croît. La cueillette et le partage de données se compliquent. L’attribution des responsabilités se complexifie. Nombreux sont les intervenants impliqués pouvant se partager les nouveaux risques que présente l’arrivée du véhicule autonome, et l’industrie de l’assurance de dommages a déjà amorcé sa réflexion. Voici le portrait de la situation au Québec. 
 

Qu’est-ce qu’une voiture autonome? 

Adopté en avril 2018 par le gouvernement du Québec, le projet de loi 165i introduit la notion de véhicule autonome dans le
Code de la sécurité routière. On le définit comme un « véhicule routier équipé d’un système de conduite autonome qui a la capacité de conduire un véhicule conformément au niveau d’automatisation de conduite 3, 4 ou 5 de la norme J3016 de la SAE International ». 
 
Il existe en effet six niveaux d’autonomisation d’une voiture. Ces niveaux vont des fonctions d’assistance à la conduite aux voitures autonomes qui peuvent rouler sans surveillance ni intervention humaine (voir encadré). 
 

​Les six niveaux d’automatisation de la norme J3016 de la SAE International

Niveau 0 : contrôle total et exclusif au conducteur; il peut toutefois y avoir des mécanismes d’avertissement, comme un radar de recul.

Niveau 1 : fonction d’aide à la conduite, par exemple une assistance au freinage (antiblocage des roues) ou un régulateur de vitesse (en anglais, cruise control).

Niveau 2 : délégation d’une partie de la conduite au véhicule, tel que le stationnement de l’automobile; le conducteur est cependant responsable d’en superviser l’exécution et de reprendre le contrôle de la conduite au moment opportun.

———– Limite juridique actuelle sur le transfert de la responsabilité du conducteur au véhicule ———-

Niveau 3 : conduite autonome dans une situation temporaire, par exemple une fonction de maintien dans un embouteillage; le conducteur doit demeurer disponible et prêt à reprendre le contrôle si les conditions l’exigent et lorsque le trafic se dissipe.

Niveau 4 : autonomie complète du véhicule; le conducteur n’est pas responsable des manœuvres effectuées, mais il doit activer et désactiver le système de prise en charge.

Niveau 5 : conçu pour assurer pleinement toutes les fonctions de conduite (voiture sans volant); l’humain n’intervient que pour indiquer sa destination.

Les trois premiers niveaux, qui utilisent certaines technologies aidant l’humain dans sa conduite, n’impliquent aucune responsabilité de la voiture. Par le fait même, le conducteur demeure responsable en permanence des manœuvres du véhicule. Les automobilistes au Québec y ont d’ores et déjà recours. Quant aux véhicules équipés d’un système de conduite correspondant aux niveaux d’automatisation 3, 4 ou 5 – soit la voiture autonome à laquelle peut être déléguée une partie ou la totalité de la conduite sans l’intervention d’un humain – il est actuellement interdit de les mettre en circulation sur les voies publiques. 
 
Par contre, depuis son adoption en avril, le projet de loi 165 permet au ministère des Transports d’autoriser l’utilisation de véhicules des niveaux 3 à 5 sur le réseau routier dans le cadre de projets pilotes pour une période de cinq ans. La mise en œuvre de ces projets vise à expérimenter, dans un environnement contrôlé, l’utilisation des véhicules autonomes afin d’assurer leur intégration sécuritaire sur les voies publiques et d’encadrer adéquatement leur implantation au Québec.

Les projets pilotes au Québec 

Considérant le prix élevé des voitures autonomes, mais surtout les avantages que ces systèmes intelligents présentent pour améliorer la mobilité des citoyens, notamment pour optimiser les transports collectifs, réduire ses coûts et générer des données sur les déplacements, on prévoit que les premiers véhicules du genre qui entreront en service seront principalement des navettes ou des autobus municipaux. 
 
À l’instar de la ville d’Helsinki, qui met déjà à l’essai des autobus sans chauffeurii , deux initiatives de navettes ont été mises en œuvre l’été dernier au Québec. 
 
Depuis le 27 août, à Candiac, un autobus électrique entièrement autonome pouvant accueillir jusqu’à 15 passagers effectue un trajet de deux kilomètres entre un stationnement incitatif et une intersection achalandée. Ce projet pilote, qui durera 12 mois, roulera sans passager pendant la période hivernale afin de mesurer les conséquences de l’hiver québécois sur cette navette française déjà déployée, sans problème, dans sept pays. 
 
Il s’agit du premier projet pilote sur la voie publique, mais, en 2017, une navette électrique autonome (NEA) avait déjà roulé sur le site du Parc olympique et d’Espace pour la vie. Ce projet a été reconduit pendant l’été 2018 alors que, pour la première fois au Canada, deux NEA naviguaient simultanément à circuit fermé entre l’entrée du Stade olympique, l’entrée des bureaux du Mouvement Desjardins, le Planétarium Rio Tinto Alcan et la station de métro Viau. 

Qu’arrive-t-il en cas d’accident? 

Dans le cadre des projets pilotes, des ententes sont conclues entre les responsables de projet et le ministère des Transports. À Candiac, c’est l’entreprise Keolis Canada, qui exploite la navette française fabriquée par Navya, qui assumerait les accidents dont elle serait tenue responsable. Au Parc olympique, il s’agit de l’opérateur Transdev qui « assume l’entière responsabilité liée à l’assurance », indique Cédric Essiminy, conseiller en relations publiques au Parc olympique. « Si la navette devait causer un accident, tel que briser un poteau appartenant à la Ville, et que la responsabilité nous incombe, nous assumerons pleinement les frais, illustre Marie-Céline Bourgault, directrice des communications et des affaires publiques chez Transdev Québec. Si toutefois un piéton, un cycliste ou un autre conducteur est victime dans l’accident, le régime habituel d’assurance sans égard à la faute de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), le no fault, indemnisera les victimes. »
 
Dans ce cas, le gouvernement pourrait toutefois se faire rembourser par l’entreprise responsable du projet pilote si cette dernière est tenue responsable des dommages corporels. En effet, depuis l’adoption du projet de loi 165, le Code de la sécurité routière stipule que le ministre des Transports peut « fixer le montant minimum obligatoire de l’assurance responsabilité garantissant l’indemnisation du préjudice matériel causé par une voiture autonome ainsi que l’obligation, pour le fabricant ou le distributeur, de rembourser à la SAAQ les indemnités qu’elle sera tenue de verser à un Québécois en cas d’accident ». Les projets sont actuellement étudiés au cas par cas. 
 
Quant aux dommages matériels subis par un automobiliste, l’assuré pourra se faire indemniser directement par son assureur en vertu de son contrat d’assurance et de la Convention d’indemnisation directe, comme c’est le cas présentement. Il restera à déterminer, éventuellement, si l’assureur pourra se faire rembourser par le responsable des dommages – le manufacturier, le constructeur ou le fournisseur technologique. 

Au-delà des projets pilotes 

Professeur à la Faculté de génie et directeur du Laboratoire sur l’intelligence véhiculaire de l’Université Sherbrooke, Denis Gingras suit de près le déploiement des automobiles autonomes à l’étranger, dont les 58 automobiles Waymo, filiale de Google, qui roulent dans quatre États américains. « En Californie, Caltransiii a développé un cadre législatif détaillé selon le niveau d’automatisation de la conduite ainsi qu’une procédure de délivrance de permis de conduire particuliers pour les conducteurs de niveaux 3 à 5 , indique celui qui croit que les formations et les examens de conduite actuels ne sont pas adaptés aux nouvelles technologies et aux réalités du marché. Il est temps qu’on s’inspire des avancées réalisées ailleurs. » 
 
On assiste au Québec au démarrage de quelques projets pilotes de NEA à basse vitesse sur des circuits planifiés qui posent de faibles risques pour le public. Il faut cependant penser également aux voitures autonomes qui rouleront à des vitesses semblables à celles qu’atteignent les véhicules actuellement sur nos routes. « Il reste beaucoup de défis majeurs à relever avant de déployer de tels véhicules, ajoute M. Gingras. Il faut prédire leur comportement de façon suffisamment précise pour ne pas mettre en péril la sécurité des citoyens. » 
 
Selon M. Gingras, le projet de loi 165, outre le fait qu’il autorise Transport Québec à délivrer des permis au cas par cas pour la réalisation de projets pilotes, demeure cependant très vague quant à l’assignation des responsabilités de chacun. « Considérant qu’une NEA peut coûter près de 500 000 $, si un automobiliste est tenu responsable des dommages causés à celle-ci, la portion associée à la responsabilité civile de son assurance automobile suffira-t-elle dans le cas où le fabricant souhaite recouvrer le montant des dommages subis? », s’interroge Denis Gingras. 
 
Au Groupement des assureurs automobiles (GAA), un comité multidisciplinaire a été créé afin de recueillir des informations sur les véhicules automatisés afin de prévoir leur incidence sur l’assurance, notamment sur le fonctionnement de l’assurance pour les dommages matériels. 
 
« Il est important d’y réfléchir dès maintenant, car l’arrivée de ces nouveaux véhicules remet en question les notions de conducteur et de conduite, présentes partout dans notre régime d’assurance pour les dommages matériels », précise Line Crevier, responsable des affaires techniques au GAA. En effet, que ce soit en matière de tarification, de rapport d’accident, d’établissement de la responsabilité ou d’enregistrement d’un sinistre au Fichier central des sinistres automobiles, le conducteur est au cœur du fonctionnement de l’industrie. De plus, l’arrivée de ces véhicules aura une incidence importante sur le règlement d’un sinistre, où intervient aussi le GAA puisqu’il établit les normes et les procédures en matière d’estimation des dommages, lesquelles déterminent comment doit être réparé un véhicule accidenté. 
 

Apprivoiser la technologie 

L’accident mortel impliquant une voiture autonome Tesla survenu en 2016 est un rappel brutal que le risque sera principalement transféré de l’humain à la technologie. Les composantes stratégiques du véhicule autonome, telles que la vitesse, le freinage ou la direction, reposant sur l’informatique, une défaillance du système – voire son piratage – pourrait avoir des conséquences importantes sur la sécurité routière. 
 
Inutile de préciser que le cyber-risque deviendra un enjeu clé. Les automobiles étant de plus en plus connectées, il sera possible pour les pirates informatiques de tenter d’accéder aux données personnelles de déplacement, en vue par exemple d’entrer par infraction dans leur maison en leur absence. Pire encore, certains pourraient tenter d’interférer avec le bon fonctionnement du logiciel du véhicule et causer alors un accident grave. 
 
Qui plus est, les normes de construction des véhicules ne seront plus les mêmes. Ces dernières relèvent de Transport Canada qui, en vertu de la Loi sur la sécurité automobile, établit les règlements concernant la sécurité entourant la fabrication et l’importation des véhicules afin de réduire le risque de décès, de blessures et de dommages aux biens et à l’environnement. 
 
« Le gouvernement fédéral s’emploie actuellement à revoir les standards techniques et les exigences liées aux technologies dorénavant incluses dans les voitures autonomes dans le but de valider leur fiabilité et leur robustesse, précise M. Gingras. Pour savoir si un véhicule est apte ou non à aller sur la route, Transport Canada doit concevoir un cadre formel afin d’évaluer les systèmes d’intelligence artificielle embarqués dans les véhicules, comme ceux pour la détection d’obstacles et la perception de l’environnement. » Les assureurs pourraient-ils alors revoir leur modèle de souscription en regard des cotes de qualité et de sécurité accordées aux véhicules autonomes? 
 
Enfin, à la vitesse à laquelle la technologie évolue, il faudra prévoir l’intégrité des logiciels non seulement à la livraison, mais aussi tout au long de la vie du véhicule. Des mises à jour rigoureuses des systèmes embarqués seront cruciales pour veiller à ce que les véhicules demeurent conformes aux normes en vigueur. Comment s’assurer de la rigueur des mises à jour et qui en serait responsable? La voiture démarrera-t-elle si les systèmes ne sont pas à jour? Faudra-t-il prévoir une assurance pour protéger les propriétaires contre une telle négligence? 

Dans un futur lointain? 

Réduction des coûts liés aux collisions et aux embouteillages, optimisation du réseau de transport en commun : selon un rapport publié par le Conference Board du Canada, l’arrivée des véhicules automatisés pourrait générer, annuellement, 65 milliards de dollars d’économies potentielles pour les Canadiens. De plus, puisque 93 % des décès annuels recensés par le département des Transports des États-Unis sont attribuables à l’erreur humaineiv, plusieurs études récentes démontrent qu’un parc composé à 75 % de voitures autonomes contribuerait à diminuer les accidents de 80 %v
 
Force est de constater que les avantages de la voiture autonome sont aussi nombreux que les nouveaux risques qui les accompagnent : un chantier important pour les assureurs, qui doivent revoir leur modèle d’affaires pour en tenir compte. 
 
Un avenir rapproché? À l’échelle mondiale, le Boston Consulting Group estime que d’ici 2035, 12 millions de véhicules entièrement autonomes et 18 millions de véhicules partiellement autonomes pourraient être vendus annuellement. Denis Gingras n’est pas aussi optimiste. Il prédit que l’analyse des données des projets pilotes impliquant des NEA au Québec et l’adoption d’un cadre législatif détaillé à ce sujet prendront à elles seules de cinq à dix ans. « Puisque la technologie, qui n’est pas encore au point, se développera sans doute plus rapidement que la réglementation qui l’encadre, les véhicules complètement automatisés de niveaux 4 et 5 circuleront sur nos routes plutôt entre 2030 et 2050 », conclut-il. 
 
 
Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, 18 avril 2018 [en ligne]. 
ii GIBBS, Samuel. « Self-driving buses take to roads alongside commuter traffic in Helsinki », The Guardian, 18 août 2016 [en ligne]. 
iii Département des Transports de Californie. 
iv U.S. Department of Transportation, National Highway Traffic Safety Administration. National Motor Vehicle Crash Causation Survey, p. 24 [en ligne]. 
v CASTONGUAY, Alec. « La voiture autonome arrive », L’actualité, 13 avril 2018 [en ligne].