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L’assurance automobile: simple ou complexe?

Date de publication : 1 mars 2017 | Dernière mise à jour : 19 avril 2020

​​​​Bien des choses ont été dites sur l’assurance automobile. Que c’est un produit de consommation courante, un « mal nécessaire1 », un produit standardisé qui pourrait être facilement distribué en ligne… en dépit du fait qu’il comporte de nombreuses zones d’ombre. Et si la simplicité de l’assurance automobile n’était qu’apparente ?​

Une « commodité » ?

« L’assurance automobile est devenue un produit de grande consommation, un produit relativement simple dans la majorité des cas, affirme d’entrée de jeu Me Benoit Loyer, expert en sinistre en assurance des particuliers et formateur à l’Institut d’assurance de dommages du Québec. L’assurance automobile a été fortement standardisée, au point où le processus de souscription est presque devenu automatisable. » Plusieurs compagnies d’assurance croient d’ailleurs possible la vente de ce produit en ligne, sans l’intervention d’un représentant, et espèrent qu’une réglementation claire sera adoptée pour le permettre. Toutefois, une étude menée par Allstate en 2011 révélait à ce propos que 67 % des Canadiens étaient moyennement, peu ou pas familiers avec leur contrat d’assurance automobile2. La situation a-t-elle à ce point changé que l’on puisse envisager de vendre ce type de produit en ligne sans l’intervention d’un représentant ?

L’assurance automobile comporte de toute évidence des zones d’ombre pour les consommateurs de même que pour certains professionnels, en particulier lorsque vient le temps de présenter une réclamation, croit Me Loyer. En 2016, le taux de réussite le plus bas des postulants aux examens de l’Autorité des marchés financiers en assurance de dommages concernait d’ailleurs le règlement de sinistres en assurance automobile3, preuve que cette matière n’est pas la plus simple à maîtriser. Au cours de sa carrière, Me Loyer a colligé plusieurs des questions épineuses et s’en est inspiré pour concevoir une formation. Il explique : « Un des points encore litigieux en 2016 est la définition de ce qu’est un préjudice causé par une automobile. Cela a été récemment discuté dans la décision Westmount (Ville) c. Rossy4. La question en litige était de déterminer si on pouvait considérer qu’un homme décédé au volant de sa voiture des suites de la chute d’un arbre sur son véhicule avait subi un accident de voiture au sens de la Loi sur l’assurance automobile. » Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que cette question était l’objet d’un litige, puisque les tribunaux s’y étaient déjà penchés dans l’affaire Productions Pram Inc. c. Lemay5. « Lors de l’enregistrement de l’émission Surprise sur prise, la roue d’un avion avait percuté en plein vol le pare-brise d’une auto, causant de graves blessures à ses occupants. Il y avait débat à savoir s’il s’agissait d’un accident d’avion ou d’automobile », rappelle l’avocat. Dans les deux cas, les tribunaux ont finalement conclu à un accident d’automobile.

« La question des bris mécaniques devient également complexe dans le cas où l’assuré y aurait contribué involontairement, ajoute Me Loyer. Prenons l’exemple d’un assuré qui fait le plein de sa voiture avec le mauvais carburant et qui cause ainsi un bris mécanique. Certains assureurs accepteront d’indemniser les assurés dans un tel cas de figure, tandis que d’autres ne paieront que pour les bris causés par des tiers. » Selon lui, la F.A.Q. no 27 peut aussi être un casse-tête et une source de conflit pour les experts en sinistre qui auront à déterminer l’étendue des dommages, ce qui est remboursable, ce qui s’applique ou non, etc. Il cite aussi le trio F.P.Q. no 5, F.A.Q. no 43 et garantie d’écart, qui revenait très souvent dans les suggestions de formation faites à la ChAD. Un cours en ligne a d’ailleurs été créé sur le sujet en 2016 et est disponible à ÉduChAD. Consultez également le tableau comparant la F.P.Q. no 5 et la F.A.Q. no 43.

Des apparences trompeuses

Les produits d’assurance automobile « sont standardisés en matière de couvertures obligatoires et supplémentaires6 ». Rappelons cependant qu’il n’y a pas moins de 42 avenants rattachés au seul formulaire des propriétaires (F.P.Q. no 1)7, dont certains suscitent des questionnements chez les professionnels, comme mentionné plus tôt.

Il est intéressant de noter que les trois quarts des consommateurs québécois estiment que l’assurance automobile est un produit simple à comprendre8. De plus, 44 % d’entre eux affirment être à l’aise de souscrire une assurance automobile en ligne, sans l’intervention d’un représentant9. Pourtant, quand on leur demande d’expliquer certaines notions à la base de l’assurance automobile, on constate que ce n’est pas un produit de consommation courante facile à comprendre : 

  • Le quart des Québécois croient encore que les dommages à leur véhicule ne sont pas couverts dans le cas d’un accident dont ils ne sont pas responsables10
  • Plus de 4 Québécois sur 10 ne savent pas que lors d’une collision, leur assureur tient compte de leur responsabilit​é pour les indemniser11
  • Également, 44 % des Québécois pensent qu’ils paient toujours la franchise indiquée au contrat, même dans le cas d’une collision dont ils ne sont pas responsables12.

Sans oublier que, bien que la Convention d’indemnisation directe (CID) existe depuis bientôt 40 ans, de nombreux québécois parlent encore de « no fault ». D’ailleurs, selon Caroline Phémius, conseillère en affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada, près de 50 % des questions posées au Centre d’information sur les assurances concernent la CID, notamment les principes d’indemnisation, les champs d’application, le barème ou la responsabilité (franchise et partage).

La simplicité de l’assurance automobile ne serait-elle qu’apparente ? Dans un tel contexte, quoi penser de la vente d’assurance automobile en ligne, sans l’intervention d’un représentant ?

Modèle hybride

C’est également la question qu’Option consommateurs s’est posée dans son étude parue en décembre dernier. Il est envisageable, selon cet organisme, de permettre la distribution de l’assurance automobile en ligne sans l’intervention d’un représentant « à condition que les législations soient adaptées afin de protéger les consommateurs ». Par exemple, en réduisant les obligations de divulgation des assurés. Leur analyse de ce qui se fait en Europe, notamment au Royaume- Uni et en France, a permis de mettre en lumière l’importance du rôle du professionnel dans la vente d’assurance en ligne. Par ailleurs, Option consommateurs « recommande d’obliger [les assureurs et les cabinets] à garantir l’accès à un représentant en tout temps. »

Maya Raic, présidente-directrice générale de la ChAD, croit aussi que « certains consommateurs souhaitent se passer de conseils professionnels et croient pouvoir le faire. La technologie aujourd’hui permet sans doute de suggérer des protections à un consommateur une fois que ce dernier a répondu à un certain nombre de questions. Cela dit, les Québécois ne comprennent pas l’assurance automobile aussi bien qu’ils le pensent ; il peut donc leur être difficile de déterminer si les produits offerts leur conviennent réellement ».

Mme Raic mentionne par ailleurs l’enjeu de la littératie numérique, soit la maîtrise des savoirs, des capacités et des attitudes propres au domaine des technologies numériques13. Une récente étude menée par le CEFRIO révèle que si près d’un Québécois sur deux s’estime très compétent pour utiliser Internet et que seuls 11 % se disent faiblement compétents, il y a tout de même un Québécois sur cinq qui reconnaît être moins à l’aise pour faire des transactions avec paiement en ligne14. « Les personnes ne possédant pas les compétences et les connaissances pour utiliser les nouvelles technologies pourraient se retrouver exclues des services offerts en ligne », souligne Mme Raic.

L’an dernier, lors de la Journée de l’assurance de dommages, Jacques Nantel, une sommité mondiale en marketing, a d’ailleurs souligné l’importance d’adopter une stratégie omnicanale qui permet aux consommateurs de choisir le médium avec lequel ils sont le plus à l’aise de communiquer, que ce soit le téléphone, Internet ou en personne.

« Même en assurance automobile, un produit plus simple en apparence, la ChAD croit au rôle du représentant, car des difficultés peuvent survenir lors de la souscription », ajoute Mme Raic. Les consommateurs qui souhaitent se procurer une assurance automobile en ligne et qui se croient aptes à le faire devraient pouvoir bénéficier de l’expertise des professionnels grâce au modèle de souscription hybride. « Le représentant devra bien sûr être accessible à tout moment de la souscription, que ce soit par clavardage, par courriel ou par téléphone. De plus, le système informatique devrait être conçu pour éviter les erreurs du consommateur », déclare Mme Raic. Pour elle, il est crucial que le représentant s’assure que le consommateur comprend bien les conséquences de ses choix. « Les avancées technologiques peuvent aider les professionnels à bien servir leurs clients. Par exemple, la technologie pourrait permettre de vérifier des informations ou de les trouver quand l’assuré les ignore. L’objectif est de permettre aux représentants de continuer à offrir une valeur ajoutée aux clients dans le processus de distribution en ligne, et non de devenir de simples scribes qui remplissent un formulaire ! », fait-elle valoir.

« Le représentant en assurance de dommages peut démontrer pourquoi le client devrait acheter certains produits plutôt que d’autres », précise aussi Me Loyer. Par ailleurs, il est possible de concevoir des capsules explicatives ou d’autres formes de conseils sur le Web, « mais il reste que seul un représentant est apte à vérifier que l’assuré a bien compris tel ou tel avenant et à les lui réexpliquer au besoin ». Option consommateurs souligne par ailleurs « [qu’au] Québec, les représentants jouent un rôle fondamental dans la protection des consommateurs. Ils sont en mesure de les guider en raison de leur formation, de leur encadrement, de leurs obligations, ainsi que de leur expérience.15 » Me Loyer croit aussi que cela fait toute la différence et conclut par ce conseil : « Démontrez votre valeur ajoutée, votre expertise, votre professionnalisme ! Offrez un réel service-conseil d’un bout à l’autre de la chaîne. »

Une étape à la fois

L’assurance automobile est donc un produit plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Si le consommateur était laissé à lui-même au moment de souscrire une assurance en ligne, il pourrait ne pas obtenir le niveau de protection recherché, faute de conseils adéquats ou d’une mauvaise compréhension du produit. Cela s’est déjà vu ailleurs. En parallèle, la vente d’assurance en ligne est souhaitée par une partie de la population. C’est une avancée inévitable. Du côté des professionnels, l’avènement et l’évolution rapide des nouvelles technologies et du mode de consommation qui en découle représentent un défi. Tiraillés entre leurs obligations déontologiques, leur volonté de prouver leur valeur, les barrières réglementaires et les exigences de leurs clients, plusieurs souhaitent ardemment que les choses changent.

La présence d’Internet ne fait que s’accroître depuis le milieu des années 1990. Il est temps que le cadre législatif soit révisé pour en tenir compte dans le secteur des assurances. Cet encadrement devra être assez souple pour soutenir le développement économique et technologique actuel et à venir. Il doit de plus assurer un niveau de protection des consommateurs aussi élevé que lors des transactions réalisées avec le soutien d’un professionnel. La prochaine étape devra donc être une concertation de toutes les parties afin que les risques, les enjeux et les pistes de solution de chacun soient entendus.

 

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F.P.Q. no 5 et F.A.Q. no 43

La F.P.Q. no 5​ et la F.A.Q. no 43 suscitant de nombreuses questions, la ChAD a créé un tableau comparatif pour aider les professionnels à mieux comprendre chaque produit et leur permettre de mieux conseiller leurs clients. s.

 


1. Bureau d’assurance du Canada – Québec. « Assurance auto : un mal nécessaire pourbeaucoup de Québécois​ », communiqué du 21 juin 2016.
2. Allstate. « Allstate Canada survey shows 21% of Canadians would accidentally breakthe law and not report a collision to insurance provider », communiqué du 9 août 2011 (traduction libre).
3. Autorité des marchés financiers. « Taux de réussite aux examens du 1er janvier 2016au 31 décembre 2016 », [En ligne]. Consulté le 22 décembre 2016.
4. Westmount (Ville) c. Rossy, 2012 CSC 30, [2012] 2 R.C.S. 136.
5. Productions Pram Inc. c. Lemay, [1992] RJQ 1738.
6. Option consommateurs. Protection des consommateurs et distribution de produitsd’assurance en ligne. Des enjeux inconciliables ?
7. http://www.lautorite.qc.ca/fr/formulaires-assurance-auto-assureurs.html.
8. Sondage SOM réalisé pour le compte de la Corporation des assureurs de dommages directs. Mentionné dans Journal de l’assurance, « Le produit d’assurance automobile n’est pas trop complexe pour être vendu par Internet, dit la CADD », janvier 2017, p. 50.
9. Id.
10. Sondage Léger réalisé pour le compte de la ChAD auprès de 500 Québécois âgés de 18 ans et plus, janvier 2016.
11. Sondage SOM réalisé pour le compte du GAA, 2016.
12. Id.
13. Agence 2000 neuf communication. Ubérisation des professions – Quel ton devraitadopter le Québec ?, 2016, p. 8.
14. Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO). « Compétences numériques des adultes québécois », [En ligne], NETendances 2016, p. 6.
15. Option consommateurs, op. cit., p. 100