Littératie et valeur ajoutée du rôle-conseil en assurance de dommages
46 % de la population québécoise n’atteint pas le niveau 3 des compétences en littératie. C’est ce que révèle une étude1 publiée en septembre 2022 par la Fondation pour l’alphabétisation. Le niveau 3 est « le seuil à atteindre afin de lire des textes denses ou longs nécessitant une capacité à interpréter et à donner du sens aux informations. » 2
Qu’est-ce que cela signifie pour ces Québécois quand vient le temps de lire un contrat d’assurance ? « Ils vont comprendre un certain nombre d’informations dans le texte, évidemment le titre, mais vont décrocher après quelques paragraphes. »3 Une situation d’autant plus préoccupante que les contrats d’assurance sont complexes et qu’existe un déséquilibre informationnel important entre les assurés et les certifiés.
Le mois de la littératie financière est l’occasion de réfléchir à ce déséquilibre en période de transformation numérique de l’industrie.
Trois types de littératie : le poids combiné des mots, des chiffres et des données
Protéger ses biens contre les pertes ou dommages, couvrir les dommages matériels ou corporels causés, sans le vouloir, à autrui ne sont pas des actes anodins. Ils nécessitent un niveau de littératie suffisant pour comprendre le sens des mots, de la protection, de sa portée et de ses exclusions.
Si chaque ordre professionnel a sa façon de communiquer, un vocabulaire hermétique peut être source d’inconfort, voire d’insécurité. À cet égard, c’est la responsabilité des professionnels en assurance de dommages de faire en sorte que les assurés comprennent ce qu’ils souscrivent en utilisant un langage simple fait de mots usuels, de l’interprétation d’un contrat à la réclamation, en passant par la détermination des montants de protection ou de franchise. Outre le devoir de conseil du professionnel, adapter son propos au niveau de littératie du client est une démonstration de courtoisie qu’il appréciera, peu importe son indice personnel de littératie.
On tend à l’oublier, mais un contrat d’assurance est un produit financier. À cet égard, l’analphabétisme fonctionnel4 peut être un obstacle à une décision financière éclairée en regard de besoins actuels et anticipés. À un faible indice de littératie langagière peut s’ajouter un faible indice de littératie financière, le premier amplifiant le second.
Comme le souligne le Rapport de recherche sur un nouvel Indice de littératie financière appliquée publié par l’Autorité des marchés financiers en novembre 2022, le taux de littératie le plus faible est associé à une frange particulièrement démunie sur le plan économique, dont les activités financières sont réduites par le fait même de cette condition. (…) Si les détenteurs de polices d’assurance témoignent d’un niveau de littératie financière supérieur à celui des autres consommateurs, il n’en demeure pas moins que les professionnels de l’assurance doivent adopter une approche convenant à quelque 2,5 millions de Québécois aux prises avec un faible indice de littératie langagière et financière.
Ajoutons à ce qui précède une littératie numérique variable, soit la capacité d’utiliser des technologies pour avoir accès et comprendre des contenus en ligne, interagir avec un robot conversationnel (chatbot) ou gérer des comptes et données personnelles en toute sécurité, et tous les ingrédients de préjudices potentiels sont réunis.
La valeur ajoutée du rôle-conseil en période de transformation numérique
Ces observations vont de pair avec l’évolution de l’industrie, du rôle-conseil, et des besoins du client au cours des deux dernières décennies.
Le rôle-conseil du professionnel est d’autant plus important en période de transformation numérique qu’il accompagne le client à différentes étapes afin qu’il conclue, en personne ou en ligne, une transaction au mieux de ses intérêts. De l’analyse des besoins aux conseils personnalisés, et de la description à l’explication du contrat, sa pratique doit tenir compte des différents enjeux de littératie du consommateur, du plus expérimenté au plus novice.
Il s’agit là d’une nouvelle réalité qui remet en question les façons de faire traditionnelles. Désormais, outre ses compétences en assurance de dommages, le certifié doit maîtriser des compétences transversales allant de la relation client numérisée à la pédagogie à la communication multiplateforme.
À chaque nouvelle avancée technologique (automatisation, applications mobiles, robot conversationnel, objets connectés, télématique, etc.), l’industrie a répondu en proposant de nouveaux produits, de nouveaux modes de souscription et réclamation omnicanals, de nouvelles façons d’évaluer le risque et l’ampleur des sinistres. Dans la foulée, elle a créé de nouvelles méthodes de distribution en collaboration avec des joueurs issus des technologies de l’information (assurtech) évoluant à la jonction de l’intelligence artificielle, des données massives (Big Data) et de la cybersécurité.
En réponse à ces innovations, le client du XXIe siècle recherche des protections hyper personnalisées. Il s’attend à des décisions rapides en matière d’analyse du risque, de souscription, d’évaluation et d’indemnisation après sinistre. Il veut des services et solutions simplifiés, commodes, sécurisés et accessibles en tout temps sur ses appareils, fixes (ordinateur personnel) ou mobiles (téléphones et tablettes). Enfin, il compte sur l’expérience du professionnel pour le prémunir contre ses propres erreurs, le cas échéant.
Toujours plus de valeur ajoutée
Un des avantages des innovations technologiques, c’est qu’elles gèrent nombre de tâches routinières et répétitives. Ce faisant, elles permettent aux professionnels de se concentrer sur ce qui a une à réelle valeur ajoutée aux yeux du client : écoute, empathie, expérience, disponibilité, notamment. Loin de restreindre leur rôle-conseil, pour les professionnels en assurance de dommages, les innovations amplifient ces atouts proprement humains qu’aucune technologie ne pourra jamais remplacer.
Prendre une décision éclairée en matière d’assurance s’appuie sur la compréhension partagée du sens des mots, de la protection et ses avantages en regard de ses besoins et sa situation. Aujourd’hui comme demain, cette décision est et restera une question de communication, de confiance et de bonne foi des parties prenantes, peu importe les technologies utilisées, le mode de distribution et les spécificités du produit d’assurance.
La valeur ajoutée du rôle-conseil ne disparaît pas, il s’affranchit des tâches traditionnelles au profit du client et ce faisant, de la protection du public.
Notes