CONGÉ DE PÂQUES : les bureaux de la ChAD seront fermés du 29 mars au 1ᵉʳ avril 2024.

  • Si vous vivez une problématique en lien avec la fin de période durant le congé de Pâques, veuillez nous écrire à formation@chad.qc.ca, notre équipe pourra vous répondre à son retour à partir du 2 avril. Selon la nature du problème, la ChAD fera le nécessaire pour ne pas vous pénaliser.
  • Si vous êtes certifié et que vous n’avez pas terminé vos obligations de formation continue en date du 31 mars 2024, l’Autorité des marchés financiers communiquera avec vous au début du mois d’avril pour vous indiquer les prochaines étapes.
  • Si vous êtes un dispensateur de formation et que vous n’avez pas saisi toutes les présences des formations données avant le ou au 31 mars, vous avez jusqu’au 4 avril 17 h pour saisir les présences.

 

i
Fermer

Désolé, mais rien ne correspond à votre critère de recherche. Veuillez réessayer avec d'autres mots-clés.

Passer au contenu

L’attente raisonnable de l’assuré: jugements récents

Date de publication : 1 septembre 2016 | Dernière mise à jour : 17 avril 2020

​Ce résumé ne constitue pas un avis juridique. L’information qui s’y trouve peut ne pas refléter l’état du droit actuel.

​Dans l’affaire Muir c. Magog (Ville de)1, la Cour du Québec (Division des petites créances) est venue rappeler le principe déjà confirmé par la Cour suprême selon lequel, dans certaines circonstances, « les attentes raisonnables des assurés » devront être prises en considération dans l’interprétation d’un contrat d’assurance.

Les faits

​Le 2 septembre 2013, une forte pluie s’abat sur la Ville de Magog (ciaprès « la Ville »). Les demandeurs, David Muir et Virginie Poulin (ci-après « les demandeurs »), habitent la Ville et sont propriétaires d’un immeuble situé à proximité d’un ruisseau. Ce qui devait arriver arriva : de l’eau dégageant une odeur nauséabonde s’est infiltrée par le drain de plancher et les calorifères, causant ainsi des dommages à la résidence des demandeurs.

​Initialement, les demandeurs croyaient que l’infiltration d’eau avait été causée par le débordement du ruisseau. Or, en colligeant de l’information, notamment auprès de leurs voisins, les demandeurs ont réussi à établir que c’était plutôt le refoulement du système d’égouts de la Ville qui était à l’origine des dommages subis. Conséquemment, ils ont demandé à la Ville et à leur assureur-habitation (ci-après « l’assureur »), lequel avait émis un contrat d’assurance « tous risques », de les indemniser.

​L’assureur nie devoir quelque somme que ce soit, alléguant que la réclamation est irrecevable, car les dommages réclamés sont exclus de la couverture d’assurance.

La responsabilité de l’assureur

LES PRINCIPES

Le juge De Pokomandy rappelle les principes bien établis en matière d’exclusions : 

  1. ​Dans le cas d’une police d’assurance « tous risques », tous les risques pouvant directement atteindre le bien assuré sont couverts, sauf les exclusions énumérées. Il faut donc déterminer si l’exclusion invoquée trouve application. 
  2. C’est à celui qui invoque une exclusion, en l’occurrence l’assureur, de prouver par une preuve prépondérante les faits ou la situation donnant lieu à l’application de l’exclusion. 
  3. Les clauses d’exclusions doivent être interprétées restrictivement. En cas de doute, la couverture doit être favorisée.

LE CONTRAT D’ASSURANCE

Le contrat émis par l’assureur prévoyait, à l’article 18 de la section des exclusions générales :

Inondation

​Les pertes, dommages ou frais occasionnés directement ou indirectement par une inondation qui atteint les lieux assurés. On entend par inondation notamment les vagues, la marée, le raz-de-marée, le tsunami, la crue des eaux, la rupture de barrage, le débordement de cours d’eau ou de toute étendue ou masse d’eau naturelle ou artificielle. […] (nous soulignons)

Afin de bénéficier d’une protection additionnelle, considérant l’emplacement de leur propriété, les demandeurs ont voulu que soit ajouté à leur contrat d’assurance l’avenant « dommages d’eau-eau du sol et égout » (ci-après « l’avenant »), lequel prévoyait qu’étaient couverts les dommages causés par : 

  1. La pénétration ou l’infiltration soudaine et accidentelle des eaux souterraines ou de surface, à travers les murs ou les ouvertures des caves, les fondations ou le sol des caves. 
  2. Une fuite, un refoulement ou un débordement soudain et accidentel de branchement d’égout, d’égout, de fossé, de puisard, de fosse septique, de champ d’épuration ou d’autres systèmes d’épuration des eaux usées, de fosse de retenue ou bassin de captation ou de drain français. 
  3. Le gonflement de la nappe phréatique.

Par ailleurs, cet avenant comportait une exclusion selon laquelle n’étaient pas couverts « les dommages d’eau causés directement ou indirectement aux biens et qui surviennent avant, pendant ou après une inondation ».

LE JUGEMENT

Dans un premier temps, le juge De Pokomandy conclut que l’exclusion prévue au paragraphe 18 du contrat ne saurait s’appliquer, étant donné que la preuve porte sur le fait que l’eau qui s’est infiltrée à l’intérieur de la résidence des demandeurs provenait des égouts de la Ville, et non du ruisseau (crue des eaux). Ainsi, les dommages n’ont pas été causés par une inondation, mais bien par un refoulement d’égout.

L’assureur invoque également l’exclusion contenue à l’avenant. Le juge De Pokomandy mentionne d’emblée que selon cette exclusion, laquelle est rédigée de façon extrêmement large, l’assureur n’a qu’à prouver la survenance d’une inondation afin de priver ses assurés de la couverture pour les dommages causés par l’eau. Or, selon le juge, une telle façon de rédiger semble court-circuiter les effets recherchés par l’avenant et le rendre inutile :

[91] L’application de la clause d’exclusion contenue à l’avenant amènerait le résultat qui ne nous semble pas conforme aux attentes raisonnables des demandeurs puisqu’ils seraient privés de couverture d’assurance pour tout dommage d’eau pour quelque raison que ce soit, par quelque cause que ce soit, dès qu’il survient avant, pendant ou après une inondation. Or leur propriété étant bornée par un ruisseau, les lieux assurés sont considérés aux termes de la police inondés à la moindre crue de ce cours d’eau.

Conséquemment, le juge De Pokomandy conclut que l’exclusion prévue à l’avenant va à l’encontre des attentes raisonnables des assurés et ne peut donc être invoquée par l’assureur, lequel est tenu de les indemniser pour les dommages subis.

La décision Muir a été reprise dans un jugement rendu le 16 mars 2016 par le juge Claude H. Chicoine2.

Dans cette affaire, les demandeurs poursuivaient également leur assureur pour les dommages subis à la suite des pluies diluviennes du 2 septembre 2013. Bien que l’assureur poursuivi ne soit pas le même que dans l’affaire Muir, les contrats d’assurance invoqués sont hautement similaires. Le juge Chicoine accueille la réclamation des demandeurs et, se basant sur l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Exportations Consolidated Bathurst c. Mutual Boiler3, s’exprime comme suit quant au principe de l’attente raisonnable de l’assuré :

[21] L’assuré s’attend à être couvert pour dommages d’eau : a) deux avenants sont émis à cet égard ; b) les modifications apportées à sa police le lui précisent ; c) il a payé des primes spécifiques pour tels dommages.

[22] C’est ce qu’on appelle « l’attente raisonnable de l’assuré ».

​[…]

[25] Ici, les exclusions sont tellement larges qu’elles enlèvent tout sens à la couverture pour dommages d’eau.

Conclusion​

Ces décisions confirment les enseignements de la Cour suprême disant que les clauses d’exclusions doivent être exemptes de toute ambiguïté et que la couverture doit correspondre aux risques vraisemblables auxquels l’assuré s’expose. Dans le cas contraire, les tribunaux n’hésiteront pas à se référer aux attentes raisonnables de l’assuré afin d’éviter une interprétation qui permettrait à l’assureur de toucher une prime sans risque.

Article rédigé par Me​ Caroline Tremblay, Gilbert Simard Tremblay s.e.n.c.r.l.

1. 2015 QCCQ 508​.

2. Giguère c. Compagnie d’assurances Bélair Inc., 2016 QCCQ 2023 (Division des petites créances).

3. [1980] 1 R.C.S. 888 (sous la plume du juge Estey). Voir également Cornish v. Accident Insurance Company, (1889) 23 Q.B. 453.