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La renonciation au droit de l’assureur de nier couverture

Date de publication : 1 mars 2016 | Dernière mise à jour : 16 avril 2020

​​​Ce résumé ne constitue pas un avis juridique. L’information qui s’y trouve peut ne pas refléter l’état du droit actuel.

Le rôle de l’expert en sinistre consiste essentiellement à faire le lien entre l’assureur et l’assuré. Ce dernier, qui vit souvent une situation stressante et parfois complexe, se fie à l’expert en sinistre pour le guider en cas de sinistre. Or, comme nous le verrons dans le présent article, l’expert en sinistre peut lier l’assureur par ses gestes. Il est donc important qu’il analyse bien la situation et qu’il obtienne les instructions nécessaires afin de prendre position quant à la couverture d’assurance pour éviter de renoncer à un droit prévu à la police.

La renonciation

La renonciation au droit de l’assureur de nier couverture trouve son fondement dans un acte unilatéral qui lie son auteur sans retour1. Communément appelée « waiver », la renonciation se décrit comme l’« abandon unilatéral et intentionnel d’un droit »2, par exemple celui de nier couverture ou d’invoquer une exclusion prévue à la police d’assurance. Ainsi, l’assureur renonce à son droit de nier couverture lorsqu’il : 

  1. prend fait et cause pour son assuré alors qu’une exclusion contenue à la police d’assurance aurait pu être soulevée; 
  2. laisse croire à son assuré que l’inexécution des formalités liées à la police d’assurance n’est pas déterminante3.

Trois éléments doivent être démontrés par l’assuré afin de conclure à la renonciation de l’assureur : 

  1. Le caractère volontaire de la renonciation. 
  2. Son caractère non équivoque. 
  3. L’existence d’un droit au moment où la renonciation lui est imputée4.

De même, le délai écoulé avant d’invoquer un motif pour nier couverture peut équivaloir à une renonciation de la part de l’assureur5. La lettre de réserve ou de négation est donc importante, car l’assureur devra « limiter sa contestation aux motifs invoqués dans sa lettre de négation de couverture »6. Par la suite, l’assureur sera privé du droit d’invoquer d’autres motifs, étant réputé avoir renoncé tacitement à le faire7.

Le rôle de l’expert en sinistre

L’expert en sinistre agit souvent à titre de mandataire de l’assureur8. Ainsi, ce dernier est lié par les actes que l’expert en sinistre pose dans l’exécution de son mandat. L’expert en sinistre qui, par ses représentations, confirme à l’assuré que les dommages qu’il a subis sont couverts ou qu’il sera indemnisé, lie donc l’assureur qui pourrait être privé du droit de nier couverture ou d’invoquer une exclusion à la police.

Par exemple, dans l’affaire Turcotte c. Pelletier9, les demandeurs intentent un recours à la suite de l’achat d’une résidence prétendument affectée par des vices cachés. Les défendeurs (les vendeurs de la résidence) réclament de leur assureur qu’il assume leur défense. Lors de son enquête, l’expert en sinistre mandaté par l’assureur avait indiqué que celui-ci prendrait fait et cause pour les assurés relativement aux dommages indirects, ou « conséquentiels ». Finalement, l’assureur envoie une lettre de négation de couverture aux assurés indiquant que la police d’assurance ne couvrait pas les vices cachés.

La Cour supérieure a déterminé que l’assureur était lié par les représentations de l’expert en sinistre et qu’il avait implicitement renoncé à nier couverture quant aux dommages indirects, ou « conséquentiels » :

[52] Le Tribunal statue que La Personnelle est liée par l’affirmation volontaire, non équivoque et concrète de l’agent de sinistre Gagnon que la réclamation des Turcotte-Larouche était couverte quant aux dommages conséquentiels.

​​[53] Vu sa renonciation implicite, La Personnelle ne peut désavouer cette prise de position et est forclose de soulever de nouveaux motifs de non-couverture, tel l’absence de sinistre.

Cependant, puisque les demandeurs réclamaient des dommages intérêts exclusivement pour les « travaux correctifs » et non pour des dommages indirects, le tribunal a jugé que l’assureur n’avait pas renoncé à nier couverture sur cette base.

De surcroît, la remise d’un chèque en règlement partiel d’une réclamation par l’expert en sinistre peut être considérée comme une renonciation à invoquer l’absence de couverture. Par exemple, dans la décision Trudel c. Promutuel L’Abitibienne10, laquelle concerne un incendie s’étant déclaré derrière un poêle à bois nouvellement installé dans la résidence de l’assuré, la Cour du Québec a déterminé que l’assureur avait renoncé à son droit de nier couverture lorsque l’expert en sinistre qu’il a mandaté a remis à l’assuré un chèque en règlement partiel de la réclamation. Le tribunal explique :

​[60] La défenderesse [l’assureur] est liée par les actes de son mandataire [l’expert en sinistre], peu importe qu’il soit son employé ou son engagé contractuel dûment mandaté.

Plus récemment, dans la cause Touchette c. Oppenheim11, le tribunal a confirmé qu’en tant que mandataire de l’assureur ou, à tout le moins, de mandataire apparent de ce dernier, les actes de l’expert en sinistre liaient l’assureur12. Dans cette affaire, les enquêtes et les nombreuses demandes d’informations de divers experts en sinistre mandatés par l’assureur à la suite de l’incendie de l’immeuble de l’assuré avaient laissé croire à ce dernier qu’une proposition de règlement allait être faite. Sur cette base, l’assureur avait renoncé à son droit de nier couverture.

Conclusion

Nous pouvons constater l’importance du rôle de l’expert en sinistre auprès de l’assuré. Les actes qu’il pose lient l’assureur qui l’a mandaté, ces actes devenant les propres actes de l’assureur. Par les représentations et les gestes posés par l’expert en sinistre, l’assureur peut donc être privé du droit de nier couverture ou d’invoquer une exclusion à la police d’assurance.

L’élaboration d’une lettre de réserve claire et complète, remise à l’assuré dans les plus brefs délais à la suite d’un sinistre, est donc de mise afin qu’une renonciation implicite ne puisse être opposée à l’assureur. Finalement, son rôle consistant essentiellement à faire le lien entre l’assureur et ses assurés, l’expert en sinistre doit veiller à maintenir une communication efficace avec les parties impliquées afin d’éviter tout malentendu.

Article rédigé par Me Léonie Gagné et ​Me Jonathan Lacoste-Jobin, Lavery de Billy

1 Bergeron, Jean-Guy. Les contrats d’assurance (terrestre), lignes et entre-lignes, tome deux, Les Éditions SEM, 1992, p. 371.
2 Ibid., p. 372; Hilliker, Gordon. Liability Insurance Law in Canada, 5th edition, LexisNexis, 2011, p. 143.
3 Lluelles, Didier. Précis des assurances terrestres, 4e édition, Les Éditions Thémis, 2005, p. 314.
4 Turcotte c. Pelletier, 2012 QCCS 2462, paragr. 42; Pagé, Philippe. L’irrémissible « Waiver » et le prix des sous-entendus, in Développements récents en droit des assurances, vol. 222, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 8-9.
5 Lombard du Canada c. Ezeflow inc., 2008 QCCA 1759, paragr. 60; Di Capua c. Barreau du Québec à Montréal, 2003 R.R.A. 750 (C.A.), paragr. 86; Joy Displays inc. c. Canadian General Insurance Company, 1976 C.A. 1, p. 10-11; Lapointe-Boucher c. La Mutuelle-vie des fonctionnaires, 1996 R.R.A. 957 (C.A.), p. 12-13.
6 Lapointe-Boucher c. La Mutuelle-vie des fonctionnaires, 1996 R.R.A. 957 (C.A.), p. 11.
7 Placements Gervasi enr. c. Citadelle (La), compagnie, 2006 QCCS 3694, paragr. 71-72.
8 Code civil du Québec, RLRQ c. C-1991, art. 2160.
9 Turcotte c. Pelletier, 2012 QCCS 2462.
10 Trudel c. Promutuel L’Abitibienne, 2008 QCCQ 1508.
11 Touchette c. Oppenheim, 2014 QCCS 6039, (inscription en appel, 2015-01-13 [C.A.] 500-09-024982-159).
12 Code civil du Québec, RLRQ c. C-1991, art. 2163.