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L’affaire Mallet : un rappel sur le fardeau de preuve qui incombe aux assureurs en matière de faute intentionnelle et de déclarations mensongères

Date de publication : 1 décembre 2018 | Dernière mise à jour : 18 avril 2020

Par Me Caroline Tremblay, avocate chez Gilbert Simard Tremblay S.E.N.C.R.L. – Dans un jugement récent, la Cour supérieure1  est venue rappeler le fardeau de preuve qui incombe à un assureur qui invoque la faute intentionnelle et les fausses déclarations de son assuré, et ce, afin de justifier son refus de l’indemniser. 

Les faits 

En 2007, les demandeurs se portent acquéreurs d’un véhicule motorisé (ci-après « VR »). Le prix payé est de 325 000 $. 
 
En 2016, alors que le VR est remisé pour l’hiver, M. Mallet constate un bruit anormal provenant de la génératrice. Il décide donc de débrancher le VR et de le sécuriser. 
 
L’été venu, des pneus neufs sont installés et l’entretien général du VR est effectué. Par ailleurs, afin de régler le problème électrique remarqué durant l’hiver, M. Mallet doit se rendre dans un garage de Québec, ce type de service spécialisé n’étant pas offert à Sept-Îles, où il réside. 
 
En route vers Québec et après avoir parcouru plus de 300 kilomètres, M. Mallet s’arrête sur un terrain à aire dégagée. Il profite de cet arrêt pour inspecter son VR, dont le niveau d’huile à moteur. C’est à ce moment qu’il constate qu’une épaisse fumée se dégage de l’avant du VR. À la suite de l’incendie, le VR est considéré comme une « perte totale ». 
 

Position de l’assureur 

Faute intentionnelle 

L’assureur refuse d’indemniser ses assurés, alléguant, expertise à l’appui, que M. Mallet a intentionnellement mis le feu à son VR. 
 
Afin d’attaquer la crédibilité des demandeurs, l’assureur allègue notamment que : 
  • Antérieurement à l’incendie, les demandeurs avaient tenté de vendre le VR, sans succès; 
  • La garantie valeur à neuf expirait en 2017; 
  • La réparation de la génératrice aurait engendré des coûts importants; 
  • M. Mallet s’est arrêté dans une aire de repos isolée. 

Déclarations mensongères 

Afin de justifier son refus d’indemniser, l’assureur allègue également que les assurés se sont contredits dans les diverses versions qu’ils ont données au cours de l’enquête, notamment en ce que M. Mallet a faussement affirmé n’avoir jamais fait faillite. 
 

Le jugement 

En ce qui a trait à la faute intentionnelle, le juge rappelle qu’il appartient à l’assureur qui invoque une telle faute de la prouver par une preuve prépondérante. 
 
Après avoir entendu les experts des parties, le juge a préféré les conclusions mises de l’avant par l’expert retenu par les assurés et, par conséquent, il a conclu que l’assureur ne s’était pas déchargé du fardeau qui lui incombait. Au surplus, il est d’avis que la crédibilité des assurés n’est aucunement minée par les différents éléments soulevés par l’assureur, notamment en ce que : 
  • La situation financière des demandeurs était loin d’être précaire; 
  • Les coûts importants possiblement reliés à la réparation de la génératrice ne peuvent avoir amené M. Mallet à mettre le feu à son VR, surtout que lesdits coûts n’étaient toujours pas connus; 
  • Le fait que le VR avait été mis en vente antérieurement à l’incendie ne saurait préjudicier les demandeurs; 
  • Après avoir parcouru plus de 300 kilomètres, il n’y avait rien d’anormal à ce que M. Mallet s’arrête dans une aire de repos pour manger. 
 
Pour ce qui est des déclarations mensongères, il revient également à l’assureur de les établir. Une déclaration inexacte ne saurait automatiquement être considérée comme une déclaration mensongère, le juge s’exprimant d’ailleurs ainsi : 
 
[76] Toute déclaration inexacte ne constitue pas une déclaration mensongère. Il est reconnu qu’une telle déclaration doit plutôt revêtir un

caractère frauduleux visant à spolier et à tromper son assureur dans le but de percevoir indûment un avantage pécuniaire
. Une erreur de bonne foi, une exagération, une omission, une hésitation ou un trou de mémoire ne constituent pas des déclarations mensongères. (nous soulignons) 
 
Admettant d’emblée qu’il existe certaines contradictions dans les différentes versions données par les assurés, le juge est par ailleurs d’avis que ces contradictions sont peu importantes en plus de porter « sur des faits périphériques à la réclamation, sans réelle importance sur celle-ci ». 
 
Quant à la question de la faillite de M. Mallet, le juge écrit : 
 
[77] Oui, il y a des discordances; une principale est que monsieur Mallet a répondu au début qu’il n’avait jamais fait faillite, alors que c’est inexact. 
[78] Mais en bout de ligne, cela change quoi? 
[79] Il a fait faillite dans les années 1980, plus de 35 ans avant le sinistre. Depuis, sa situation financière s’est pour le moins redressée. 
[…] 
[87] Le Tribunal ne fait aucun grief dans la conduite de son enquête à la Capitale, mais considère que les demandeurs ont recherché dans leur mémoire des réponses à des questions plus ou moins pertinentes qui leur étaient posées. 
 
Étant d’avis que l’assureur ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver les déclarations mensongères de ses assurés, le juge accueille la réclamation de ces derniers pour la valeur à neuf du VR ainsi que pour les frais de remisage. 
 
En ce qui a trait aux réclamations pour dommages moraux et exemplaires, elles sont rejetées faute de preuve. Malgré que l’enquête menée par l’assureur ait pu sembler fastidieuse, elle était néanmoins nécessaire vu les contradictions soulevées dans les différentes versions données par les assurés. 
 
Finalement, en ce qui concerne les frais extrajudiciaires, le juge est d’avis qu’il n’y a aucune raison de les accorder, le dossier ayant été mené de façon régulière et rigoureuse par l’assureur. 
 

Rappel des principes applicables en matière de faute intentionnelle et de fausses déclarations 

Le refus d’indemniser d’un assureur ne peut être basé sur de simples soupçons. Lorsqu’un assureur allègue que son assuré est l’auteur de déclarations mensongères, il devra établir que ces déclarations ne sont pas seulement inexactes, mais qu’elles ont été faites dans le but de le tromper pour en tirer un avantage pécuniaire. 
 
La présente décision est également une bonne occasion de rappeler aux assureurs l’importance de faire preuve de discernement et de diligence dans le cadre de leurs enquêtes. En effet, les tribunaux n’hésiteront pas à condamner un assureur au paiement de dommages moraux, voire de dommages exemplaires, lorsque le refus d’indemniser s’appuie une enquête bâclée2
 
Mallet c. La Capitale, assurances générales inc., 2018 QCCS 2751.

Beaudoin c. Compagnie mutuelle d’assurance Wawanesa (2013) C.S. Voir également Bergeron c. Promutuel Lac St-Pierre–Les Forges (2010) C.Q.