Des modifications au Code civil du Québec quant à l’assurance des copropriétés ont été adoptées le 13 juin 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi 141 – notamment l’évaluation obligatoire de l’immeuble tous les cinq ans par un membre d’un ordre professionnel, l’obligation pour les copropriétaires de souscrire une assurance responsabilité et l’obligation pour le syndicat de constituer un fonds d’autoassurance affecté au paiement des franchises prévues et, au besoin, à la réparation des biens assurés.
Ces changements législatifs entreront en vigueur au fil des prochains mois. Pour certains de ces changements, leur entrée en vigueur est sujette à l’adoption de règlements prévus dans la loi. Le ministère des Finances a d’ailleurs tenu, cet automne, une consultation préalable à l’élaboration de règlements qui permettront de préciser certains articles de la loi. La Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) y a
soumis ses commentaires le 2 novembre 2018 et vous tiendra informé des prochaines étapes à cet égard.
Toutefois, dès le 13 décembre, quelques dispositions relatives à l’assurance des copropriétés s’appliquent, avec lesquelles les professionnels de l’industrie doivent se familiariser afin de mieux conseiller et informer leurs clients :
- Pour les copropriétés établies après le 13 juin 2018, l’obligation pour le syndicat de copropriété de tenir une description des parties privatives suffisamment précise pour permettre d’identifier les améliorations apportées par les copropriétaires1;
- Si le syndicat choisit de ne pas se prévaloir de son assurance, il ne pourra poursuivre certaines personnes pour les dommages pour lesquels il aurait été indemnisé par cette assurance2, mais devra voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés;
- L’assurance du syndicat constitue l’assurance en première ligne3;
- Les droits de subrogation des assureurs sont limités4.
Description des parties privatives
Le syndicat de copropriété a dorénavant l’obligation de tenir à la « disposition des copropriétaires une description des parties privatives suffisamment précise pour que les améliorations apportées par les copropriétaires soient identifiables. Une même description peut valoir pour plusieurs parties lorsqu’elles présentent les mêmes caractéristiques »5.
Le but est d’aider les syndicats de copropriété à souscrire une assurance « couvrant la totalité de l’immeuble, à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie lorsqu’elles peuvent être identifiées par rapport à la description de cette partie […] »6. Cette description (souvent appelée « unité de référence » ou « unité de base ») permet donc non seulement de déterminer la valeur de base d’une unité (qui doit être assurée par l’assurance du syndicat), mais de déterminer les améliorations à inclure dans l’assurance du copropriétaire. Par le fait même, en cas de sinistre, l’assurance du syndicat assumera l’indemnisation des parties communes et des unités de référence, et celle du copropriétaire, les améliorations apportées à l’unité au fil des ans.
Selon Condolégal.com, l’
unité de référence doit être définie dans une « fiche technique ayant pour objet de décrire l’aménagement d’origine d’une
partie privative. Elle doit être suffisamment précise pour permettre d’identifier les
améliorations que les copropriétaires peuvent y avoir apportées. »
Cette fiche technique pour chaque unité devrait être déposée au
registre de la copropriété qui comprend tous les documents pertinents de l’immeuble tels que la déclaration de copropriété, le registre des copropriétaires et des locataires, les procès-verbaux des assemblées générales, les plans de l’immeuble dont le plan cadastral, les états financiers, etc.
Dispositions transitoires et entrée en vigueur
Pour les copropriétés établies après le 13 juin 2018 – date à laquelle le projet de loi 141 a été adopté – ces dispositions sont en vigueur le 13 décembre 2018. Le syndicat de copropriété devrait donc dès maintenant préparer et rendre disponible cette description de l’unité de référence dans leur registre. Pour les constructions récentes, il incombe au promoteur de soumettre au syndicat cette description « dans les 30 jours suivant l’assemblée extraordinaire des copropriétaires […] »7 .
Quant aux copropriétés établies avant le 13 juin 2018, le syndicat a deux ans (à compter du 13 juin 2018) pour fournir cette description des unités de référence, soit jusqu’au 13 juin 2020. Sinon, les parties privatives des copropriétés établies avant le 31 octobre 2017 seront « réputées, dans l’état où elles se trouvent à cette date, ne comporter aucune amélioration apportée par un copropriétaire, à moins que le syndicat n’ait déjà mis à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives conforme à cet article »8.
Lors du sinistre, si aucune description des parties privatives n’existe, l’assurance du syndicat pourrait être tenue d’indemniser pour la remise en état des parties privatives, telles qu’elles sont au jour du sinistre. Cela dit, si la valeur assurée de l’immeuble dans l’assurance du syndicat ne tient pas compte des améliorations apportées dans les unités privatives au fil des ans, il pourrait y avoir insuffisance de l’assurance du syndicat, qui pourrait entraîner l’application de la règle proportionnelle et donc, une indemnité inférieure aux dommages réels.
Les agents et les courtiers sont donc invités à demander au syndicat de copropriété et aux copropriétaires cette description afin d’évaluer adéquatement les risques à souscrire. Les professionnels devraient aussi sensibiliser leur client à la nouvelle réglementation en vigueur, aux impacts sur les besoins d’assurance et sur l’importance d’établir le bon montant d’assurance afin d’éviter des problèmes de sous-assurance.
Se prévaloir ou pas de l’assurance du syndicat
Autre modification législative en vigueur dès le 13 décembre 2018 : l’assurance du syndicat constituera l’assurance en première ligne. De fait, le nouvel article du Code civil du Québec précise que « lorsque des assurances contre les mêmes risques et couvrant les mêmes biens ont été souscrites séparément par le syndicat et un copropriétaire, celles souscrites par le syndicat constituent des assurances en première ligne »9.
Or, lorsqu’un sinistre survient et que le syndicat « décide de ne pas se prévaloir de cette assurance, il doit avec diligence voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés »10. Par exemple, un dégât d’eau endommage le plancher d’origine d’un copropriétaire et pour diverses raisons, telles qu’éviter de payer la franchise prévue au contrat, le syndicat décide de ne pas se prévaloir de son assurance. Premièrement, il ne pourrait alors exiger du copropriétaire de réclamer auprès de son propre assureur (sauf pour les dommages aux biens et pour les améliorations). Deuxièmement, le syndicat devra assumer la réparation des dommages, avec empressement et soin. Troisièmement, le syndicat ne pourrait « poursuivre les personnes suivantes pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par cette assurance :
1° Un copropriétaire;
2° Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;
3° Une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité.11»
Les professionnels devraient aviser, dès à présent, leurs assurés concernés par ces changements législatifs pour, qu’en cas de sinistre, ils puissent prendre des décisions éclairées, se prévaloir de leurs droits et assumer leurs obligations.
Limitation des droits de subrogation des assureurs
Des modifications quant aux droits de subrogation des assureurs sont également en vigueur le 13 décembre 2018. Dorénavant, un assureur ne peut « être subrogé dans les droits de l’une des personnes suivantes à l’encontre d’une autre de celles-ci :
1. le syndicat;
2. un copropriétaire;
3. une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;
4. une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance couvrant la responsabilité. Il est fait exception à cette règle lorsqu’il s’agit d’un préjudice corporel ou moral ou que le préjudice est dû à une faute intentionnelle ou à une faute lourde »12 .
Ce changement législatif risque d’affecter la gestion des réclamations et la prise de décisions. Les experts en sinistre doivent donc comprendre les tenants et aboutissants de ces nouvelles dispositions afin de bien assumer leur devoir d’information envers les intervenants impliqués dans le règlement de sinistres.
Pour en savoir plus, le site Condolégal.com offre une
liste des articles du Code civil du Québec qui concernent la copropriété, ainsi que ceux adoptés au projet de loi 141 (identifiés clairement en jaune).
Par ailleurs, la ChAD restera à l’affût de l’impact de ces changements législatifs sur la pratique des professionnels afin de vous tenir informé. D’autres communications suivront également quant aux modifications qui entreront en vigueur au cours des prochains mois. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous en faire part à
info@chad.qc.ca.
1. Articles 1070 al. 3 et 1106.1 du Code civil du Québec.
2. Article 1074.1 du Code civil du Québec.
3. Article 1074.3 du Code civil du Québec.
4. Article 1075.1 du Code civil du Québec.
5. Articles 1070 al. 3 du Code civil du Québec.
6. Article 1073 du Code civil du Québec.
7. Article 1106.1 du Code civil du Québec.
8. Article 653 du projet de loi 141, tel que sanctionné.
9. Article 1074.3 du Code civil du Québec.
10. Article 1074.1 du Code civil du Québec.
11. Ibid.
12. Article 1075.1 du Code civil du Québec.