Consultations particulières : un projet de loi inquiétant pour la protection des consommateurs
La Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) a communiqué de sérieuses réserves à l’égard du projet de loi 141 (PL-141) hier en commission parlementaire. Étant donné la complexité que représente l’assurance de dommages pour les Québécois1 et l’importance de celle-ci dans la gestion de leur patrimoine, la ChAD a invité le gouvernement à réviser son projet de loi afin de ne pas compromettre la protection du public.
« Il existe un déséquilibre informationnel entre l’industrie et les consommateurs et, contre toute attente, le PL-141 vient l’amplifier », a déclaré Diane Beaudry, présidente du conseil d’administration de la ChAD (administratrice indépendante nommée par le ministre des Finances) qui était accompagnée de Maya Raic, présidente-directrice générale et de Jean-François Raymond, vice-président du conseil d’administration. Bien que la ChAD salue la modernisation des lois qui encadrent le secteur financier, elle en conteste plusieurs modifications.
Le retrait de l’exclusivité de l’acte de conseil aux professionnels
Ouvrant une brèche majeure dans une industrie qui s’est grandement professionnalisée depuis 20 ans, le PL-141 propose de retirer l’exclusivité de l’acte de conseil, actuellement réservé aux représentants certifiés. Cela signifie que toute personne, n’ayant ni certification ni obligations déontologiques, pourrait offrir des conseils aux consommateurs. « Considérant la complexité de l’industrie, il faut s’assurer que les personnes qui conseillent le public répondent non seulement à leurs besoins, mais qu’elles soient responsables de leurs actes, a mentionné Diane Beaudry. De plus, on pourrait voir un concessionnaire automobile ou un courtier immobilier conseiller ses clients à l’égard de différents produits d’assurance; comment cela peut-il être fait sans apparence de conflits d’intérêts, un principe essentiel de la déontologie des professionnels? »
Pour la ChAD, la ligne doit demeurer claire : aucun conseil ne devrait être donné aux consommateurs si la personne n’est pas certifiée, encadrée et imputable de ses gestes.
Les possibles dérives de la distribution de produits par Internet
La ChAD considère primordial de réduire les risques liés à l’achat d’assurances sur Internet. Parmi ceux identifiés par l’Autorité des marchés financiers (AMF), mentionnons l’absence de protection, les protections inadéquates ou inutiles ainsi que les contrats invalides. C’est pourquoi la ChAD insiste pour que la personne physique avec laquelle le consommateur peut communiquer soit certifiée.
De plus, la Chambre souhaite que les obligations des assureurs et des cabinets soient identiques, ce qui n’est pas le cas dans le projet de loi. « Le consommateur ne doit pas être pénalisé selon qu’il choisit d’acheter un produit d’assurance par l’intermédiaire d’un professionnel certifié et encadré, par un site Web d’un assureur ou par celui d’un cabinet. Il devrait avoir les mêmes droits, les mêmes protections, les mêmes recours », a précisé Jean-François Raymond.
L’abolition de la ChAD et de son approche préventive
Devant la possibilité d’abolir le palier préventif de l’encadrement de l’industrie, assumé par la Chambre, la ChAD tient à rappeler que le modèle québécois est précurseur au Canada et ailleurs dans le monde. Selon la ChAD, la coercition est loin d’être suffisante; une approche préventive permet d’agir en amont et d’amoindrir des problématiques pouvant causer des torts aux consommateurs. Un organisme d’autoréglementation spécialisé, agile, de proximité est nécessaire pour assurer une meilleure protection du public.
« Qui continuera de produire, d’adapter, de réviser tous les outils pratiques que crée la ChAD en réponse aux lacunes que nous observons sur le terrain, en inspection, au Bureau du syndic ou par le biais de nos comités composés de représentants issus de l’industrie? Comment un organisme non spécialisé en assurance de dommages comme l’AMF, pourra-t-il produire autant d’outils et offrir autant d’accompagnement personnalisé aux professionnels? » a souligné Maya Raic.
En conclusion, la présidente-directrice générale a dit souhaiter miser sur les forces en présence et propose d’améliorer le système actuel plutôt que de l’amputer. Maya Raic a résumé ainsi l’intervention de la ChAD : « On ne peut ni transférer la responsabilité actuelle des professionnels sur les épaules des consommateurs ni leur retirer une protection de première ligne en abolissant la ChAD ».
Consultez le mémoire de la ChAD déposé à la Commission des finances publiques.
Visionnez le passage de la ChAD en commission parlementaire.
1. Sondage Léger pour le compte de la ChAD auprès de 500 Québécois âgés de 18 ans et plus, janvier 2016.