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Les obligations du prêteur hypothécaire envers l’assureur

Date de publication : 1 décembre 2015 | Dernière mise à jour : 18 avril 2020

​​​Ce résumé ne constitue pas un avis juridique. L’information qui s’y trouve peut ne pas refléter l’état du droit actuel.

La récente décision de la cour supérieure

​Le demandeur, Richard Dubois, réclame à la Compagnie mutuelle d’assurances Wawanesa (ci-après « l’assureur ») la somme de 593 131,99 $ à la suite de l’incendie qui a détruit sa résidence. L’assureur refuse de l’indemniser, alléguant notamment des fausses déclarations au moment de la souscription.

A été joint au recours du demandeur celui d’Express Finance Investissement inc. (ci-après « le créancier hypothécaire »). À titre de créancier hypothécaire inscrit à la police, elle réclame de l’assureur la somme de 158 691,68 $, qui représente le solde impayé du prêt hypothécaire consenti au demandeur.

Cette décision est intéressante, car en plus de reprendre les principes de la nullité ab initio, elle traite de l’impact des déclarations mensongères sur les droits d’un créancier hypothécaire.

Les faits

Le 24 février 2011, le demandeur communique avec le service de la souscription de l’assureur afin d’obtenir une assurance habitation. En réponse aux questions posées, il mentionne que sa résidence est une reprise de finance, le vendeur étant AGF, et qu’il a dû faire appel à une compagnie de financement, car la banque le faisait « tourner en rond ». L’assureur accepte d’assurer la résidence à compter du 24 février 2011.

En octobre 2011, la résidence assurée est incendiée dans des circonstances suspectes. Les dommages sont tels qu’elle sera déclarée une perte totale.

Voici, en quelques lignes, les circonstances réelles entourant l’achat de la résidence, lesquelles n’ont pas été divulguées à l’assureur lors de la souscription : 

  • ​AGF est devenue propriétaire de la résidence en novembre 2010 à la suite de procédures de prise en paiement intentées contre Réjean Dubois, père du demandeur et propriétaire de la résidence.
  • Le demandeur avait tenté d’acheter la résidence, mais AGF avait refusé considérant son lien de parenté avec Réjean Dubois. 
  • Le 24 février 2011, 9157-6520 Québec inc. (ci-après « 9157 ») a acquis, pour une somme de 85 000 $, la résidence d’AGF. Cet achat a été financé par le créancier hypothécaire qui a consenti un prêt au montant de 92 000 $. 
  • Le seul actionnaire de 9157 est Franco Cacchione, un ami de la famille Dubois et un usurier (shylock). 
  • Le demandeur est devenu propriétaire de la résidence le 16 mars 2011 (et non le 24 février 2011). 
  • Le prix payé était de 92 850 $. Le créancier hypothécaire a consenti au demandeur un prêt de 125 000 $. Ce dernier n’a touché aucune somme d’argent du déboursé, l’usurier empochant la différence en remboursement des dettes du demandeur.

Au surplus, il a été prouvé que l’usurier avait suggéré au père du demandeur, afin d’éviter l’éviction lors de la prise en paiement, de louer la résidence pour une période de deux ans. Réjean Dubois a donc loué la résidence à l’usurier, ce dernier ne l’ayant jamais habitée, la laissant au demandeur et à son père. Vu l’existence du bail, AGF a dû réviser le prix de vente, permettant ainsi à l’usurier de l’acheter à un prix bien inférieur à sa juste valeur marchande.

Par ailleurs, l’âme dirigeante du créancier hypothécaire était liée au crime organisé et a été assassinée en 2013.

Le jugement

Le recours de Richard Dubois

Le juge réitère le principe que la personne qui désire obtenir une protection d’assurance doit faire preuve de la plus haute bonne foi. Autrement, elle pourrait voir son contrat annulé si l’assureur venait à établir qu’il n’aurait pas accepté le risque s’il avait connu toutes les circonstances.

Le juge conclut que l’assureur s’est déchargé de son fardeau de preuve en établissant que les informations non divulguées par le demandeur étaient de nature à influencer un assureur raisonnable. Quant au demandeur, il n’a pas démontré qu’il s’est comporté comme un assuré normalement prévoyant.

Conséquemment, son recours est rejeté et la police d’assurance est annulée ab initio.

Le recours d’Express

Une clause de garantie hypothécaire constitue un contrat entre l’assureur et le créancier hypothécaire, lequel est distinct du contrat d’assurance.

Ainsi, les déclarations mensongères du demandeur n’affectent pas les obligations contractuelles de l’assureur envers le créancier, même si la police d’assurance est nulle ab initio.

Par ailleurs, il ne faut pas conclure que le créancier hypothécaire pourra automatiquement être indemnisé par l’assureur. Les circonstances exceptionnelles de la présente affaire convainquent le juge que la clause de garantie hypothécaire doit également être déclarée nulle. Il se rallie à la position de l’assureur, à savoir que le créancier hypothécaire constituait un risque moral inacceptable compte tenu des activités illicites de son âme dirigeante. Mais il y a plus. Le risque moral peut également être évalué à la lumière des circonstances entourant la souscription. Le 24 février 2011, le créancier hypothécaire savait que le propriétaire de la résidence était 9157 et non le demandeur et que, conséquemment, la police était invalide. Également, le créancier connaissait les liens unissant le demandeur et l’usurier, car ce dernier lui recommandait plusieurs clients, dont le demandeur. Voici comment s’exprime le juge :

[…] la preuve prépondérante permet au Tribunal de douter sérieusement de la bonne foi du prêteur hypothécaire dans cette sinistre affaire, incluant le moment où Wawanesa a émis la clause de garantie hypothécaire à la demande de Richard.

Express Finance tente de se prévaloir d’une clause de garantie hypothécaire émise dans des circonstances où le prêteur savait pertinemment bien que le jour de l’émission de la Police, ce n’était pas Richard qui se portait acquéreur de la Propriété, mais plutôt le « Shylock » Cacchione […]

[…] Express Finance qui tente de se prévaloir de la clause de garantie hypothécaire obtenue par l’entremise de Richard, n’a jamais agi dans la présente affaire comme un prêteur de bonne foi.

Finalement, la preuve présentée quant à la somme due par le demandeur était quasi inexistante.

À l’instar du recours du demandeur, celui du créancier hypothécaire est rejeté.

Conclusion

Cette récente décision de la Cour supérieure est intéressante à plusieurs égards, même si la trame factuelle est hors du commun.

Elle réitère les principes bien connus en matière de déclarations mensongères et/ou de réticences. De plus, elle confirme que les déclarations mensongères de l’assuré ne sont pas opposables au prêteur hypothécaire, mais que le comportement de ce dernier pourra être évalué lorsque viendra le temps d’étudier la validité de la clause de garantie hypothécaire.

Article rédigé par Me Caroline Tremblay, Gilbert Simard Tremblay, s.e.n.c.r.l.